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«On me voit enfin comme une athlète»

13 juin 2018 | Edition N°2266

Huit ans après s’être relevée d’une embolie pulmonaire, Stéphanie Berger a atteint la 4e place de sa catégorie (amateurs 35-39 ans) au challenge semi-distance de Samorin (Slovaquie) il y a dix jours, portée par un caractère de guerrière.

Voilà onze ans, Stéphanie Berger devenait championne de Suisse de dressage en catégorie R. Alors âgée de 26 ans, la jeune femme venait d’être portée vers les sommets par sa mentalité de gagnante et son caractère de compétitrice façonnés dès son plus jeune âge. Une volonté de ne jamais faire les choses à moitié qui trouvait son couronnement, juste avant que tout ne s’effondre.

Dans l’ordre, son cheval s’est blessé, puis ses parents, qui possédaient une quinzaine d’équidés dont il a fallu se séparer, ont divorcé. «A ce niveau-là, un cheval coûte facilement dans les 300 000 francs. Je n’avais pas les moyens d’assumer une telle dépense et de poursuivre ma carrière en compétition.» La fin des ennuis? Pas tout à fait.

Sous l’impulsion de son père, Stéphanie Berger se lance dans la course à pied, puis le triathlon. Elle progresse, multiplie les courses et se donne à fond, comme dans tout ce qu’elle entreprend. Et arrive ce 1er août 2010. «Je m’en souviens très bien. Je me rendais à l’Alex Moos, une course de cyclisme en Valais. Sur le trajet pour m’y rendre, chaque secousse dans la voiture me faisait un mal de chien au-dessus des côtes, juste à côté du cœur. Je souffrais tellement que j’ai fini l’épreuve en pleurant de douleur. La nuit qui a suivi, je me suis réveillée en sursaut, comme si on m’avait planté un couteau dans le dos. Résultat: neuf caillots dans les artères et une embolie pulmonaire.»

«Montrez-moi la fenêtre!»

A ce stade, les médecins sont très clairs. Après deux semaines passées à l’hôpital, on lui annonce que le sport, c’est fini. «La première chose à laquelle j’ai pensé, c’est: Montrez-moi la fenêtre, je saute! C’était inconcevable. A ce moment-là, la sportive que j’étais a reçu assez peu de soutien. En fait, il n’y avait plus qu’une personne qui croyait en moi: Joël Maillefer.»

Grâce à l’appui de l’ancien entraîneur du Tryverdon – qui coach notamment Sylvain Fridelance –, l’athlète d’Epautheyres se relance. Leur collaboration durera jusqu’à l’année dernière. «Il a tellement fait pour moi. A tel point que je sentais, à la fin, qu’il avait un regard presque un peu trop protecteur à mon égard.»

Le sport pour rester en vie

Pour franchir une étape, celle qui s’est mariée à un… cardiologue s’est entourée du Français Romain Guillaume, un triathlète professionnel de premier plan. «Je m’entraîne entre 30 et 35 heures par semaine. Les gens se demandent comment je peux m’infliger une telle charge de travail après ce que j’ai traversé. Bien sûr, c’est parfois difficile. Je dois repousser mes limites. Mais à aucun moment je ne considère mes efforts comme une souffrance. J’ai aussi l’impression que, en Suisse, on n’aime pas les personnes qui mettent tout en œuvre pour réussir, qui foncent dans leur voie sans se poser de questions.»

C’est pourtant la vie qu’a choisi de mener la régionale, qui travaille à temps partiel dans le cabinet de son mari. «Le sport, c’est la plus belle des écoles de vie. Outre ma maladie, j’ai vécu des épreuves terribles. Sans ce que le sport m’a appris, je me serais effondrée plus d’une fois.»

Et puis, Stéphanie Berger l’avoue volontiers: «Depuis peu, le regard des gens a changé. On ne me voit plus comme la femme qui lutte pour se remettre de sa maladie, mais bel et bien enfin comme une athlète.» Sa 4e place obtenue en amateurs chez les 35-39 ans il y a dix jours au challenge (l’antichambre des épreuves Ironman) semi-distance de Samorin, en Slovaquie, n’est sans doute pas étrangère à son nouveau statut.

 

L’Ironman d’Hawaï, si la vie le veut bien

Dans le milieu des triathlons longues distances, le point d’orgue se situe souvent à Hawaï: «C’est le plus beau, celui auquel tout le monde veut participer», glisse Stéphanie Berger. La régionale n’en a pas fait pour autant l’objectif d’une vie: «La réalité, c’est que j’adorerais y prendre part. Mais que ce soit l’année prochaine, dans cinq ou dans quinze ans n’a aucune importance. J’aime m’entraîner. Je ne vois pas ça comme une drogue, mais je ne m’imagine pas me passer de sport. Dans dix ans, je sais que j’aurai toujours autant de plaisir à faire du triathlon, alors je ne suis pas pressée de me qualifier. Dans tous les cas, mes temps sont actuellement insuffisants pour prétendre à un ticket. Il faudrait que je gagne environ 45’ pour descendre sous la barre des 10h. Et puis, Hawaï, c’est le Graal. Une fois qu’on a bouclé l’épreuve, on fait quoi?»

Florian Vaney