Un peu plus d’une année après son ouverture, la petite épicerie de la Cité du fer réfléchit à son avenir. Les clients manquent à l’appel.
Le Marché d’ici à Vallorbe fait partie depuis plus d’une année de ces épiceries révolutionnaires. Ouverte en libre accès 24 heures sur 24, elle offre une variété de produits locaux provenant de petits producteurs, que ce soit pour la cuisine ou la salle de bain.
Avec son système en autonomie couplé à des horaires d’ouverture hebdomadaires, le concept permet à de nombreuses classes d’âge de trouver leur bonheur. Des nouveautés, des dégustations, des paniers cadeaux, bref, elle a tout pour plaire. Pourtant, avoir de bons produits ne semble pas suffire…
Si les Vallorbiers ont été très enthousiastes en voyant des produits de la région se rapprocher de chez eux, dix-huit mois après l’ouverture, le bilan de l’épicerie inquiète son tenancier Sébastien Authouart. Pour cause, une clientèle trop timide. «Au début, tout le monde trouve ça fantastique, et puis ça s’estompe… Il ne s’agit pas que du Marché d’ici, c’est un peu pareil pour tous les petits commerces», témoigne Sébastien Authouart.
Pourquoi? C’est une question à laquelle il peine à trouver une réponse. «Je pense qu’il y a plusieurs facteurs. Le premier est le prix. Il y a un préjugé sur le prix des produits en épicerie qui pour moi est faux (voir encadré). Ensuite, c’est Vallorbe. C’est plus une ville dortoir qu’une ville avec beaucoup d’emplois. A mon avis, les gens vont faire leurs courses proche du travail avant de rentrer chez eux. Cet ensemble fait que nos produits sont boudés.»
Pourtant, Sébastien Authouart est conquis par ses produits, choisis avec soin. Mais les habitants de la région, poussés vers une consommation plus durable et locale durant le premier confinement, auraient vite repris le chemin des grandes surfaces.
«Avec les rabais que font les grands magasins, cela veut dire qu’ils se font une marge énorme le reste de l’année. Ils se moquent de nous, mais les gens l’acceptent», s’étonne le gérant de l’épicerie vallorbière.
L’interrogation qui pourrait inquiéter les fidèles clients du lieu est: que va devenir le Marché d’ici? Va-t-il fermer ses portes? «Ce n’est pas d’actualité», affirme Sébastien Authouart, bien déterminé à relever la barre. «Après les fêtes, on va réfléchir aux diverses solutions, mais cela ne veut pas dire fermer, loin de là!» Dans les différentes options envisagées, au-delà de se faire mieux connaître, le Vallorbier imagine se déplacer davantage au centre ou quitter Vallorbe. «Une autre solution serait d’élargir les horaires d’ouverture, mais ils nous semblent adéquats. Surtout que l’épicerie est en tout temps accessible.»
Si Sébastien Authouart n’espère pas faire fortune avec l’épicerie, il ne souhaite évidemment pas non plus perdre de l’argent. «A la fin du mois on est à zéro, donc on ne veut pas forcément beaucoup plus, mais pas moins. Après dix-huit mois, on est censés gagner un peu d’argent. Je ne veux pas m’enrichir, juste être sûr de pouvoir payer toutes mes factures.»
Toutefois, le commerçant reste optimiste, surtout à l’approche des fêtes. Un point sera fait à partir de janvier. «Je suis extrêmement convaincu par tous mes produits. J’ai tout goûté, je connais tous mes producteurs et je suis persuadé que ce sont des produits d’exception. Tant que je reste convaincu, je pourrai continuer!»
Comparer ce qui est comparable
Les produits en épicerie ne sont pas les mêmes que ceux que l’on peut trouver dans les grandes surfaces. Le prix, donc, ne sera forcément pas le même non plus, et le producteur pas payé de la même manière. Au Marché d’ici, par exemple, Sébastien Authouart rappelle que les produits laitiers et les viandes sont à des prix imposés. «Les terrines par exemple, on les vend 15 francs car le producteur dit qu’il ne faut pas les vendre plus. Donc on respecte, mais cela ne laisse pas le pourcentage de marge qu’il faudrait pour payer les charges.» Sur le reste des produits, le magasin ajoute une marge minimale. Ce système fait que pour couvrir les frais, l’épicerie locale devrait vendre énormément de produits par mois. «C’est un cercle vicieux parce qu’il faut avoir beaucoup de produits même si ça marche moins bien. On doit avoir des frigos pleins pour montrer que l’on a du choix. Donc on prend des risques, car on aura forcément des pertes.»
Pour la comparaison, un paquet de 500 grammes de pâtes industrielles Barilla non biologiques coûte en moyenne 2,50 francs en grande surface, contre 5 francs pour un paquet de pâtes artisanales à l’épeautre bio à l’épicerie. Mais dans l’assiette, le produit n’est pas du tout le même. Et cette différence ne vaut évidemment pas pour tous les produits. «Il faut aussi que les gens comprennent qu’un artisan qui fait dix litres de confiture avec les fruits du maraîcher d’à côté, ne peut pas concurrencer une industrie qui importe des tonnes de fruits d’Espagne et achète des palettes de bocaux. Le prix n’est pas le même, mais la qualité n’a rien à voir! Il n’y a qu’à regarder les étiquettes, il n’y a pas de conservateur par exemple», témoigne Sébastien Authouart, qui fait la majorité de ses courses dans son épicerie. Pour le commerçant, il s’agit aussi d’une question d’habitude de consommation, qui a plutôt tendance à être extrême, avec l’achat de masse de produits non nécessaires ou en promotion. «Des produits qui vont probablement être en partie jetés. C’est clair qu’ici ce n’est pas la même habitude à prendre.» L’idée étant donc de n’acheter que ce dont on a réellement besoin.
Mais cette habitude d’achat qui revient à l’essentiel prend du temps. La Petite Epicerie de l’Abergement confirme: «Après une année, nous sommes toujours en phase de rodage. Mais nous tenons nos objectifs et nous pourrions nous attendre à ce que la situation se pérennise», espère le gérant Olivier Tauxe.
Un club pour les amateurs de bons produits
Le Marché d’ici proposera prochainement de nouveaux événements pour inclure les Vallorbiers et Vallorbières. Le premier sera la création d’un club, nommé «Les amis d’ici». Le principe? Payer une cotisation annuelle de maximum 100 francs, qui permettra, en échange, de recevoir les nouveaux produits à déguster en primeur, un apéro dînatoire une fois par année, ainsi qu’une sortie organisée et des rabais. Ce projet devrait se mettre en place en début d’année 2022. En parallèle, l’épicerie locale pourrait bien (lorsque la situation sanitaire le permettra) proposer des ateliers de dégustation. «C’est l’esprit même du magasin», précise Sébastien Authouart, toujours soucieux de satisfaire ses clients.
INFOS PRATIQUES
Adresse : Place de la liberté 6, 1337 Vallorbe.
www.marchedici.ch
Pour ouvrir un compte en libre accès : epicerie@marchedici.ch