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Sainte-Croix ne veut pas accueillir davantage de requérants d’asile

28 octobre 2015

Balcon du Jura – Les autorités du village estiment que le nombre de pensionnaires de l’Etablissement d’accueil des migrants ne devrait pas être revu à la hausse. Elles souhaitent que d’autres régions prennent leurs responsabilités.

L’Etablissement vaudois d’accueil des migrants sainte-crix héberge actuellement 144 requérants. © Bobby C. Alkabes

L’Etablissement vaudois d’accueil des migrants sainte-crix héberge actuellement 144 requérants.

La séance du Conseil communal de Sainte-Croix, organisée lundi soir à l’Espace Alexei Jaccard, a vu surgir une problématique au coeur de l’actualité internationale. Celle de l’accueil des migrants. Terre d’accueil de réquerants d’asile depuis vingt ans, la localité du Balcon du Jura a été sollicitée, il y a quelques mois, par l’Etablissement vaudois d’accueil des migrants (EVAM) pour accueillir plus de personnes. «Ils nous ont approché pour nous demander, au vu des enjeux géopolitiques actuels que tout le monde connaît, si nous disposerions de logements libres ou d’adresses à leur communiquer si le nombre de requérants devait augmenter», déclare Cédric Roten, le municipal sainte-crix en charge du dossier de l’EVAM.

Un équilibre à préserver

Une requête à laquelle l’Exécutif sainte-crix a répondu par la négative. Son argument? La proportion de demandeurs d’asile -3,2% de la population, a indiqué le syndic Franklin Thévenaz- permet une vie locale harmonieuse, un équilibre que de nouveaux arrivants pourraient perturber. «Nous avons trouvé la bonne formule. Nous vivons dans le respect, quasi sans problème, hormis, peut-être, une bagarre par année», a déclaré le chef de l’Exécutif. «Dans la rue, le centre ne suscite pas les discussions, ce qui n’est pas le cas d’autres thèmes, comme les éoliennes ou la politique en matière de gestion des déchets», illustre Cédric Roten.

Le président du Parti socialiste, Pierre-Alain Gerber, est intervenu pour soutenir «la préservation de cet acquis social» en l’état, par le biais d’une motion, transformée en postulat, demandant «à la Municipalité d’encourager le Canton à proposer à l’EVAM une clé de répartition pour la distribution des requérants d’asile sur l’ensemble du territoire cantonal».

«Si l’Etat de Vaud hébergeait, proportionnellement, autant de demandeurs d’asile que Sainte-Croix, cela reviendrait à garantir une place pour plus de 15 000 personnes supplémentaires sur le territoire cantonal», précise Pierre-Alain Gerber. Dans sa prise de parole, le syndic a, pour sa part, fait remarquer à l’assemblée que plusieurs régions vaudoises étaient, pour l’instant, totalement dépourvues de centres d’accueil des migrants.

«Une fois de plus, les communes excentrées, où les loyers sont meilleur marché, sont sollicitées, mais l’augmentation du nombre de requérants engendrerait des problèmes, par exemple en terme d’infrastructures. Cela risquerait aussi de créer des tensions au sein de la population», commente le président du Parti socialiste.

Le postulat va inciter la Municipalité à défendre de manière proactive les intérêts sainte-crix, promet Cédric Roten. «Nous allons sûrement demander un entretien avec le directeur de l’EVAM, puis avec le Canton. Il n’est pas non plus exclu que nous déposions une motion au Grand Conseil, par le biais du député Hugues Gander», conclut-il.

 

Le modèle sainte-crix cité en exemple par Amnesty International et la Confédération

Sainte-Croix tient d’autant plus à ne pas modifier d’un iota sa politique d’accueil des migrants qu’elle est régulièrement citée en exemple. «Amnesty International nous a consacré un article et une journaliste de la Télévision suisse italienne, qui s’est renseignée à Berne sur un exemple d’intégration réussie, a été orientée vers nous», se félicite Cédric Roten. Plusieurs actions justifient cette réputation. Une séance est, par exemple, organisée, une fois par mois, entre les différents partenaires de l’accueil des migrants (Gendarmerie, EVAM, école et bénévoles), sous la conduite de Cédric Roten. Les requérants d’asile sont, en outre, impliqués dans la mise en place de manifestations phares comme le comptoir et le carnaval local; des événement auxquels ils sont ensuite conviés. Ils effectuent également divers types de travaux d’utilité publique, comme l’élimination des chardons dans les champs et le déneigement. «Un requérant a travaillé tout l’été à la piscine», ajoute Cédric Roten.

Sans oublier les bénévoles, qui offrent diverses formes d’aide à la population. Une association revend vêtements et autres biens matériels à des prix symboliques, les cafés-contact garantissent un moment de convivialité matinale, des cours de français sont mis sur pied et les «marraines» sont à disposition des parents et de leurs enfants scolarisés, le vendredi après-midi, pour aider dans le cadre des devoirs et la traduction des remarques et observations des professeurs dans le cahier prévu à cet effet.

Ludovic Pillonel

 

«Notre volonté est d’assurer une répartition la plus équitable possible»

DRLe conseiller d’Etat vaudois Philippe Leuba, en charge notamment du Service de la population, réagit aux inquiétudes de la Commune de Sainte-Croix. Interview.

Pourquoi avoir demandé à Sainte-Croix d’accueillir davantage de requérants?

Avec la crise migratoire de ces derniers mois, il y a une forte augmentation du nombre de requérants d’asile en Suisse. Le canton de Vaud, selon une clé de répartition de la Confédération, doit en accueillir 8%. Dans un souci de transparence, l’EVAM (ndlr.: Etablissement pour l’accueil des migrants) s’est approché de toutes les communes qui accueillent un centre, dont Sainte-Croix, qui compte 144 requérants contre les 140 prévus, pour leur demander si elles pouvaient accepter davantage de personnes. Il faut bien se rendre compte que toutes les structures du pays sont saturées. Berne et Argovie ont même demandé à l’Armée de dresser des tentes…

Pourtant, les communes nord-vaudoises font déjà beaucoup, avec, notamment, le Centre de Vallorbe. N’ont-elles pas raison de demander une répartition plus équitable des migrants?

Je peux vous assurer que le Jura-Nord vaudois n’est pas prétérité. Dans le district, le taux de requérants par habitant est de 1,32%. C’est moins que celui d’Aigle (1,97%), et même de l’Ouest lausannois (1,35%).

Mais le taux est plus élevé que sur la Côte, par exemple…

Bien sûr, la Côte est la région qui accueille le moins de migrants par rapport à sa population. Mais nous allons ouvrir cette année trois abris PC à Nyon, Gland et Crans-près-Céligny… Notre volonté a toujours été d’assurer une répartition des migrants la plus équitable possible entre les différentes régions du canton, qu’elles soient riches ou non. Et ce ne sont pas que des mots! Regardez, également, l’EVAM vient d’acquérir un bâtiment à Villars. Je conçois que cela n’est jamais agréable, d’ailleurs chaque ouverture de centre provoque des remous. Mais nous nous efforçons de créer des petites structures d’accueil, pour que cette présence de migrants soit aussi raisonnable qu’acceptée.

Yan Pauchard