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Soixante ans de montée à l’alpage célébrés samedi à Ballaigues

5 juin 2013

A Ballaigues, la famille Poncet a conduit, samedi dernier, son troupeau de vaches Simmental de son domaine de La Combe à l’alpage de la Poyette, non loin du Suchet. La Région a choisi de faire un bout de chemin avec eux. 

Elisabeth et Etienne Poncet ne cachent pas leur joie à la tête du troupeau.

Il est environ midi et rien ne trahit la présence des actrices principales de la tradition inscrite dans les gênes de la famille Poncet depuis maintenant 60 ans. Rien jusqu’à ce que l’ouverture des portières de la voiture ne révèle un bruit de cloches en provenance de l’énorme bâtiment allongé et largement boisé situé en-dessous de la maison familiale.

C’est là qu’elles se trouvent, les Simmental, alignées sur deux rangées séparées par un large couloir garni, ça et là, de tas de foin, que certaines d’entre elles grignotent avec quiétude. Parmi la poignée d’hommes à leur chevet, on retrouve Etienne Poncet, le chef d’orchestre de la montée à l’alpage imminente. Il explique qu’une soixantaine de vaches, les plus vieilles du troupeau, vont franchir les près de 10 kilomètres les séparant de l’alpage de La Poyette, un parcours effectué depuis 60 ans. Leurs cadettes se rendront, elles, à La Duchatte ce week-end. Et montre avec fierté le toupin -une cloche en métal- gravé à l’occasion de cette date anniversaire et porté par l’une de ses protégées.

Des vaches couronnées

«Papa, on peut aller se changer?», demande une jeune fille impatiente de revêtir sa tenue de circonstance, peu avant que sa grand-maman ne débarque avec décorations -des branches de sapin ornées de fleurs en papier confectionnées l’hiver devant la télévision- à placer sur les cornes des vaches. Deux jeunes hommes vérifient la solidité des attaches, puis posent chaque couronne végétale devant une hôte de l’écurie.

De nouvelles personnes affluent au fil des minutes. Des cousins et d’autres membres de la grande famille Poncet, mais aussi des amis ou des voisins. Des petits enfants en bredzon, bientôt imités par leurs aînés rassemblés à l’extérieur du bâtiment autour du coffre de la voiture d’Elisabeth Poncet, improvisée fournisseur de vêtements pour l’occasion.

On entre dans le vif du sujet: sous leur écrin épineux, les vaches sortent par l’arrière de l’écurie et sont amenées dans un autre lieu de stabulation situé en contrebas, sous la conduite des hommes munis de bâtons pour les diriger à l’endroit souhaité. Le troupeau pointe le bout de son nez derrière une barrière placée à l’entrée de l’écurie. Etienne Poncet et quelques acolytes le libère sous l’oeil admiratif des autres participants à la montée à l’alpage restés à l’écart, sur le chemin bétonné jouxtant le domaine de la Combe.

Cors des Alpes et convivialité

Toutes les générations étaient vêtues des habits traditionnels, preuve que la montée à l’alpage est bien ancrée chez les Poncet.

«On va passer entre les gouttes», affirme Elisabeth Poncet, espérant que le ciel se contentera de continuer à suinter sous forme de bruine. Le troupeau disparaît à travers pâturages et on le retrouve un peu plus tard lorsqu’il sort des bois sur une route forestière bordant l’autoroute direction Vallorbe. Désormais au complet, le cortège entame son ascension dans les rues de Ballaigues, le son régulier des cloches étant entrecoupé par moments par les «Allez!» des conducteurs du troupeau à l’attention des traînardes.

Des habitants du village sont postés par endroits, des deux côtés de la route. Echanges de salutations et de quelques propos amicaux, qui, associés aux conversations rythmant l’avancée des représentants humains de la procession, mettent en évidence le rôle convivial et fédérateur de la montée à l’alpage. Des cors des Alpes célèbrent le passage de la cohorte de bovins et d’humains devant la poste. Fortes de leur statut de reines de la journée, les vaches ne s’arrêtent pas au feu rouge liées aux travaux commencés sur la Grand-rue. Une voiture bloque le trafic en provenance de Lignerolle pour leur permettre de poursuivre leur marche dans les meilleures conditions.

Après une courte halte visant à regrouper les bêtes -certaines d’entre elles en profitent pour faire une pause pipi ou caca-, l’ascension dans les rues du village se poursuit. «C’est votre première montée?» La question vient de la tante d’Etienne, tandis que le troupeau s’apprête à quitter le village pour disparaître dans la forêt. On discute jusqu’à La Bessonne, où une pause bière-vin-fromage-saucisson est effectuée. Mais, déjà, il faut repartir pour couvrir le reste de la distance séparant le cortège du chalet d’alpage de La Poyette, où une fête d’anniversaire promet une belle soirée aux participants.

Avant de regagner la plaine, on ne peut s’empêcher d’adresser un dernier regard à la forêt qui résonne au son des cloches des Simmental.