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Sur les traces des anciennes fermes horlogères
©Michel Duperrex

Sur les traces des anciennes fermes horlogères

19 octobre 2017 | Edition N°2105

Vallée de Joux – Il y a plus d’un siècle, les paysans horlogers retournaient dans leur atelier, après avoir passé la belle saison dans les champs. 26 fermes horlogères racontent ce patrimoine méconnu.

Selon Olivier Piguet, la propriété de Maurice Mollet, située au lieu-dit Derrière la Côte, est «l’une des plus belles fermes horlogères de la Vallée». La façade en tavillon (sorte de tuiles en bois) servaient de protection thermique pour lutter contre la rudesse de l’hiver. Les paysans horlogers de l’époque avaient aménagé une lignée de fenêtres dans les combles, afin de bénéficier de toute la lumière du soleil. ©Michel Duperrex

Selon Olivier Piguet, la propriété de Maurice Mollet, située au lieu-dit Derrière la Côte, est «l’une des plus belles fermes horlogères de la Vallée». La façade en tavillon (sorte de tuiles en bois) servaient de protection thermique pour lutter contre la rudesse de l’hiver. Les paysans horlogers de l’époque avaient aménagé une lignée de fenêtres dans les combles, afin de bénéficier de toute la lumière du soleil.

Horloger, micromécanicien, ingénieur en microtechnique, bijoutier, graveur, émailleur : autant de métiers qui symbolisent l’univers horloger d’aujourd’hui. Et pourtant, il fut un temps où les paysans de la vallée de Joux se retiraient dans leurs fermes, à l’arrivée de l’hiver, pour réaliser des garde-temps dans leur atelier, baigné par la lumière du soleil. C’est seulement au printemps qu’ils se rendaient au comptoir horloger de Genève pour vendre le produit d’un labeur minutieux.

©Michel DuperrexSoucieux de rendre compte de ce patrimoine, Olivier Piguet, un Combier passionné par l’horlogerie, a répertorié 26 fermes horlogères sur une carte, disponible à l’Office du tourisme de la vallée de Joux. «Dans le cadre des séminaires que j’organise dans mon ancienne ferme horlogère (lire ci-dessous), mes clients m’ont posé de nombreuses questions sur l’histoire des paysans horlogers, raconte-t-il. Face à cet intérêt, j’ai parcouru la Vallée à vélo, à la recherche des fermes horlogères encore existantes, mais méconnues du grand public (ndlr : ce type de construction n’est par inscrit au patrimoine cantonal). Les propriétaires de ces 26 habitations m’ont ouvert leur porte et j’ai décidé de les lister.»

Grâce à la Fondation Paul-Edouard Piguet, l’horloger a réalisé sa carte il y a quatre ans. «C’est une invitation à la balade, confie-t-il. Toutefois, il s’agit de propriétés privées. On peut les admirer, mais seulement depuis l’extérieur.» Et de préciser que l’héritage horloger est devenu «un véritable argument marketing pour les manufactures combières».

 

Un pionnier

 

©Michel Duperrex«Le Jura, c’est un tas de cailloux ; les paysans qui sont arrivés sur ces terres ont d’abord défriché les forêts. Durant la belle saison, tout se passait à l’extérieur, dans les champs, mais les hivers étaient particulièrement rudes», explique Olivier Piguet. Malgré tout, il y avait des manques et les jeunes étaient obligés de se rendre en plaine pour travailler. A la fin du XVIIIe siècle, un Combier a marqué l’histoire des paysans horlogers : Samuel-Olivier Meylan. «Cet homme est un pionnier, explique Vincent Jaton, directeur de l’Espace Horloger du Sentier, intarissable sur le patrimoine horloger de la Vallée. Ce jeune paysan s’est rendu chez un horloger aux portes de Genève. Après avoir appris ce métier avec dextérité, il est retourné chez les Combiers pour partager ce savoir-faire avec son entourage. A l’époque, il était préférable de rester à domicile auprès de sa femme et de ses enfants que de s’exiler à Genève.»

 

Adaptation architecturale

 

Confinés dans leur chaumière, pour une durée de six mois, les paysans horlogers ont fabriqué des blancs (voir image ci-dessus) qu’ils vendaient ensuite au comptoir horloger.

Pour ce faire, il a fallu modifier l’architecture des fermes, qui étaient construites sur les hautes combes (les terrains autour du lac de Joux étaient très marécageux). «Ces artisans ont percé des lignées de fenêtres dans les combles de leur grange situés au sud-ouest, pour bénéficier de la luminosité naturelle, car les bougies et les lampes à pétrole étaient relativement onéreuses à cette époque, révèle le directeur de l’Espace Horloger. «Dans cette région aux hivers rigoureux, le développement de la société n’aurait pas pu se réaliser aussi harmonieusement sans l’apport financier découlant des travaux horlogers produits pendant l’hiver», rappelle Olivier Piguet.

 

Vers l’ère industrielle

 

©Michel DuperrexA l’aube du XXe siècle, qui marque l’avènement du fordisme et du travail à la chaîne, les paysans horlogers quittent leur ferme pour travailler dans les manufactures. «Ces hommes de la terre et de l’atelier ont peu à peu perdu leur vocation paysanne et sont devenus horlogers à plein-temps dans les usines», affirme Olivier Piguet.

L’ingénieux Antoine Le Coultre marquera un tournant dans l’histoire des fermes horlogères, puisqu’il fonda le premier atelier de la Manufacture Le Coultre (ndlr : aujourd’hui Jaeger-LeCoultre) dans une ancienne ferme horlogère, en 1833, au Sentier. Toutefois, cette construction ayant perdu sa vocation agricole, elle n’est pas répertoriée dans la liste des 26 fermes horlogères.

Découvrez notre reportage vidéo sur : www.laregion.ch/regiontv/. ou directement ci-dessous:

Plus d’informations sur le patrimoine horloger de la vallée de Joux sur : www.espacehorloger.ch.

 

Monter sa propre montre en deux jours

Un voyage initiatique à travers l’horlogerie

 

©Michel DuperrexC’est dans sa ferme horlogère pittoresque, construite vers les années 1790 et située au lieu-dit Derrière la Côte, que le Combier Olivier Piguet propose, depuis dix ans, des stages et des séminaires d’initiation aux passionnés de l’horlogerie pour fabriquer leur propre garde-temps.

«Il y a une quinzaine d’années, j’ai acquis cette ancienne bâtisse, confie l’horloger-rhabilleur de formation. La grange et l’atelier étaient totalement en ruine. Contrairement aux paysans horlogers de l’époque, j’ai choisi d’aménager mon espace de travail dans l’ancienne grange, car l’atelier était sombre et froid.»

Sur deux jours de formation, Olivier Piguet dévoile aux curieux tout le savoir-faire horloger (inscriptions obligatoires et longue liste d’attente). «Le but consiste à acquérir des compétences de base, afin de remonter le squelette d’une montre», explique-t-il. Mes clients (ndlr : ils viennent principalement d’Europe) choisissent différents types de découpe, de boîtiers, de cadrans, d’aiguilles et de bracelets pour pouvoir réaliser leur propre montre.»

Plus d’informations sur : www.olivierpiguet.ch.

 

Garde à vous !

Arme redoutable

 

Durant les guerres napoléoniennes, l’empereur Napoléon Ier fait appel au Neuchâtelois Abraham-Louis Breguet (1747-1823) -horloger inventif qui avait acquis une solide réputation auprès de la cour de France et qui avait, notamment, réalisé plusieurs garde-temps pour la reine Marie-Antoinette, avant de se réfugier en Suisse sous la Révolution- pour créer des montres spécifiques pour son armée, qui puissent s’accrocher au costume de ses officiers. «Grâce à ces montres de poche, les soldats arrivaient à l’heure sur les champs de bataille, explique Vincent Jaton, directeur de l’Espace Horloger de la vallée de Joux. Napoléon était un fin stratège, il avait compris que le temps, c’était la clé du succès.»

 

Terre d’accueil

L’héritage réformé

 

La Réforme a joué un rôle majeur dans le développement de l’horlogerie suisse. Avec la révocation de l’Edit de Nantes par Louis XIV, en 1685, la plupart des horlogers français, huguenots, émigrent à l’étranger, en Angleterre et en Suisse. Grâce à ce savoir-faire, ces deux pays s’imposeront comme centres européens de fabrication.

Selon Vincent Jaton, «la Vallée devient une terre d’accueil pour les huguenots, soucieux de pratiquer leur culte. L’un d’entre eux, Pierre Le Coultre, a particulièrement marqué l’histoire combière, puisqu’il fut le promoteur du premier temple du Sentier, en 1610 déjà». Le son des cloches et les chants liturgiques ont donc rythmé la vie des Combiers, depuis des siècles. «Les montres à sonnerie, les boîtes à musique et les oiseaux chanteurs expriment cet attachement des habitants de la Vallée à la musique», conclut le directeur de l’Espace Horloger.

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Valérie Beauverd