Certains passants n’auront pas manqué l’étonnante sculpture qui orne une des maisons aux abords du port du Bourg d’Othon. Une œuvre qui interpelle, réalisée par Markus Hofer, artiste mondialement connu pour son travail mêlant objets du quotidien détournés, peinture et sculpture.
Ceux qui se promènent du côté du port de Grandson auront peut-être remarqué ces esthétiques gouttes bleues et figées ornant la façade d’une des maisons du quartier. À la fois discrète et un brin ostentatoire, il s’agit d’une de ces œuvres qui, une fois qu’on sait qu’elle est là, attire toujours l’attention, mais qui passe facilement inaperçue sinon. Une caractéristique propre à l’art de son créateur, Markus Hofer, qui prend plaisir depuis de nombreuses années à détourner les objets du quotidien pour questionner la perception du spectateur. «C’est une grande partie de mon travail. Je crée des choses impossibles et paradoxales. Il y a un jeu avec la perception du spectateur, comment il voit le monde et les choses de la vie quotidienne, chamboulées parfois en changeant juste un détail.»
Un art drôlement irritant
Comme pour l’œuvre de Grandson, le travail de Markus Hofer se distingue par l’effet qu’il crée: un moment de doute, voire d’irritation pour le spectateur, alors qu’il redécouvre un objet du quotidien dont la fonction a été détournée. «Les gens n’observent pas forcément un lavabo. Mais quand je fais quelque chose avec, j’y apporte une touche innovante et spéciale qui fait qu’on le remarque », décrit l’artiste.
Son art joue alors avec espièglerie avec le temps, le lieu, la matière ou les couleurs pour changer la perception de la réalité. Un exemple parmi des centaines d’autres : des marteaux dont les manches sont faits en verre, rendant l’usage de l’outil impossible.
De fluides combinaisons
Mais les œuvres les plus reconnaissables de Markus Hofer sont probablement celles où il joue avec les liquides. Tasses figées en l’air, robinets crachant des flots aux couleurs de l’arc-en-ciel, glaces fondues et tuyauteries impossibles forment le gros du travail de l’artiste. «Il y a un jeu entre la peinture et la sculpture. Normalement, on utilise la peinture pour peindre. Moi, j’utilise la couleur comme une matière pour sculpter.»
Ce goût pour ces étonnantes combinaisons remonte à l’enfance de l’artiste. «J’ai toujours voulu devenir sculpteur. Quand j’étais petit, je m’amusais à sculpter des objets en bois dans l’atelier de la maison», se souvient-il. Par la suite, il étudie la sculpture à l’Université d’art et de design de Linz, puis à l’Académie des Beaux-Arts de Vienne, avant d’ouvrir son studio en 2003. «Ma première œuvre qui jouait avec les liquides a été faite durant mes études. Il s’agissait d’un arbre dont du sang sortait d’une branche coupée. À l’époque, je ne me suis pas rendu compte tout de suite que ce travail serait aussi significatif dans ma vie.»
En symbiose avec Grandson
La sculpture de Grandson totalise ainsi tout le savoir-faire de l’artiste. Intitulée Niveaux d’eau, elle a été réalisée pour s’intégrer parfaitement en harmonie avec la maison et le paysage, le lac notamment. Elle fait ainsi référence à l’histoire du lieu, en l’occurrence à l’épisode de la correction des eaux du Jura de la fin du XIXe siècle.
«Je suis particulièrement fier de cette œuvre, car elle est très inhabituelle pour moi. Généralement, on me fait une commande pour orner un bâtiment existant, mais ici, j’ai pu travailler avec l’architecte (ndlr: le cabinet Bona & Bally Architectes d’Yverdon) pendant la réalisation de la maison. C’est aussi une œuvre qui me donne une bonne impression. J’aime ses formes. Pour moi, c’est un travail qui reflète parfaitement mon métier.»
La maison ainsi que l’œuvre ont été terminées en 2024. Depuis, de nombreux passants ont déjà demandé à l’habitant le pourquoi du comment. La réponse: un intérêt pour le travail de l’artiste et une rencontre à Vienne suivie d’une belle amitié. «Quand je reviens à Grandson pour voir la maison, tout ici me donne l’impression d’être le bienvenu», remarque Markus Hofer, dont une seconde œuvre agrémente le jardin de la maison: un pot figé en l’air et versant du gravier, dans le style reconnaissable de l’artiste autrichien.