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Un témoignage poignant contre la peine de mort

6 mars 2014

Une Yverdonnoise a tenu à soutenir un condamné à mort dans les trois derniers mois précédant son exécution. Elle raconte son expérience dans un livre qu’elle dédicacera demain et promet de continuer le combat

Dans son livre «La tête haute, les yeux vers le ciel» (ci-dessous), Stéphanie Chasseloup évoque sa mobilisation en faveur de Michael Perry, un condamné à mort exécuté en 2010 au Texas.

Dans son livre «La tête haute, les yeux vers le ciel» (ci-dessous), Stéphanie Chasseloup évoque sa mobilisation en faveur de Michael Perry, un condamné à mort exécuté en 2010 au Texas.

«Always smile». Dans ses coups de blues et dans sa lutte contre le cancer, l’année dernière, l’Yverdonnoise Stéphanie Chasseloup n’a jamais manqué de jeter un coup d’oeil à cet énoncé tatoué sur son avant-bras. Cette maxime, elle la retrouvait dans les lettres signées de l’Américain Michael Perry, condamné à mort pour le meurtre d’une femme et exécuté au Texas le 1er juillet 2010, qu’elle a accompagné dans ses trois derniers mois de croisade pour prouver son innocence.

«Je suis tombée par hasard sur un reportage télévisé sur la peine de mort au Texas. J’ai été choquée», relève Stéphanie Chasseloup. Au fil de ses recherches sur internet, elle tombe sur un site où le détenu auquel elle liera son destin s’exprime. «J’ai lu son histoire et ses arguments pour se défendre. Je me suis dit qu’on ne pouvait pas le laisser comme ça», relève-t-elle. Commence alors une mobilisation de trois mois, sous forme d’échanges de lettre, d’envois d’argent à l’attention des parents, pour participer au financement des experts mandatés, et du détenu, pour l’achat de nourriture et de matériel de correspondance. De tentatives avortées d’établir le contact avec les politicens et les juges liés à l’affaire également.

«Nous n’avons jamais abandonné. Nous étions déterminé, jusqu’au bout. Je consacrais en moyenne deux ou trois heures par jour au dossier parallèlement à mon emploi à 100%. Mon entourage ne comptait plus. Nous avions beaucoup de points communs. C’est devenu un ami, quelqu’un de très proche malgré la distance», commente Stéphanie Chasseloup.

Arrive le moment fatidique, le soir du 30 juin. Au téléphone, Michael Perry s’emploie à relativiser la situation. «C’est la seule fois que je l’ai eu au bout du fil. Aussi étonnant que cela puisse paraître, nous avons passé dix minutes à nous marrer. Il a commencé la conversation par une blague, en se faisant passer pour quelqu’un d’autre», se souvient l’habitante de la Cité thermale. Il était 21h30. L’exécution a eu lieu le lendemain à 1h du matin, laissant un gros vide derrière elle. «On se prend une claque. J’ai mis du temps à réaliser que c’était fini, d’autant plus que j’ai continué à recevoir ses lettres deux jours après», tient à souligner Stéphanie Chasseloup.

Elle ne tourne pas la page pour autant, faisant venir le dossier du Texas dans le but d’être au clair sur la culpabilité de Michael Perry. L’énigme restera sans réponse. «Je l’ai parcouru pièce par pièce et je n’arrive pas à savoir s’il est coupable ou innocent», admet l’Yverdonnoise.

Pour «se remettre sur les rails», elle se lance dans l’écriture d’un livre résumant son combat et informant sur la réalité de la peine de mort. Un ouvrage-«thérapie» qui fera l’objet d’une séance de dédicaces demain chez Payot.

Nouveau correspondant

Aujourd’hui, Stéphanie Chasseloup suit J., un autre détenu condamné au Texas. «Une amie abolitionniste m’a contactée quelques mois après le décès de Micheal pour me demander de correspondre avec un autre condamné à mort. Je lui ai d’abord dit non et elle est revenue à la charge, soulignant qu’il était très seul et sans soutien. Je me suis finalement lancée et lui ai écrit. Cela fait presque trois ans maintenant», raconte la militante.

Au contraire de Micheal Perry, son nouveau protégé, condamné pour complicité de meurtre, ne connaît pas la date de son exécution. «Il est dans le couloir depuis 18 ans. Le dernier appel en justice a été accepté. Nous avons donc encore des années de combat devant nous», signale Stéphanie Chasseloup.

Ce détenu, elle l’a rencontré en août 2012, un moment qui lui laisse un très bon souvenir. «J’appréhendais un peu, mais cela s’est très bien déroulé. C’était comme lorsque l’on voit n’importe quel ami. Nous avons repris l’échange là où nous l’avions laissé dans notre correspondance».

A 38 ans, Stéphanie Chasseloup est plus que jamais impliquée dans la lutte contre la peine de mort. Signature de pétitions, dons, adhésion à des groupes de soutien et à des associations : elle promet de ne pas lâcher le combat. «C’est réjouissant de voir que, depuis 2010, quatre états des Etats- Unis l’ont abolie. Mon engagement durera le temps qu’il faudra. Je me battrai tant que la peine de mort subsistera».

Ludovic Pillonel