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Une décision en travers des gorges

24 novembre 2016 | Edition N°1878

Nord vaudois – Le sort du projet de microcentrale hydroélectrique sur l’Arnon, dans les gorges de Covatannaz, reste incertain. Le dossier va turbiner d’une instance judiciaire à l’autre.

L’Arnon vue depuis l’ancien barrage qui, dans les gorges de Covatannaz, alimentait naguère la scierie de Vuiteboeuf. ©Isidore Raposo

L’Arnon vue depuis l’ancien barrage qui, dans les gorges de Covatannaz, alimentait naguère la scierie de Vuiteboeuf.

Le sort d’un projet de microcentrale hydroélectrique dans les gorges de Covatannaz, entre Sainte- Croix et Vuiteboeuf, reste incertain. Le Tribunal fédéral (TF) a renvoyé hier tout le dossier à la Cour de droit administratif et public du canton de Vaud.

A une majorité de quatre juges contre un, la 1re cour de droit public du TF a tranché. Les incertitudes qui planent sur la viabilité du projet ne permettaient pas de donner le feu vert réclamé par les promoteurs.

Soutenue par Romande Energie, la société Estia implantée dans le Parc de l’innovation de l’EPFL se bat depuis 2002 pour la réalisation de cette microcentrale. Elle devrait permettre une production de 1,78 GWh par an, soit l’équivalent de la consommation de plus de 200 ménages. «Les aspects financiers du projet doivent encore être éclaircis», a souligné le juge fédéral Jean Fonjallaz.

Selon le président de la 1re cour de droit public, le projet est emblématique et illustre la difficulté à concilier les «nombreux intérêts contradictoires» en jeu.

Le magistrat a notamment relevé qu’au sein même du Département fédéral de la protection de l’environnement, des transports, de la communication et de l’énergie (DETEC), les avis sont partagés. L’Office fédéral de l’environnement est opposé au projet alors que l’Office fédéral de l’énergie le soutient.

Électricité de proximité

Un seul juge fédéral a soutenu l’admission du recours. Selon lui, il n’est pas exclu que dans quelques années les consommateurs pourraient être d’accord de payer cher l’électricité provenant d’une installation de proximité.

Dans ces conditions, a-t-il affirmé, la question de la viabilité économique de l’installation ne saurait être décisive, d’autant que les promoteurs de la centrale sont bien conscients que la rentabilité de la future installation sera réduite.

A l’issue de l’audience, le promoteur du projet, Manuel Bauer, a souligné que «le Tribunal a confirmé que l’impact du projet sur la faune et le paysage était réduit et n’a fixé aucun seuil minimum sur la production énergétique de l’installation». Il a encore exprimé sa satisfaction de voir son recours partiellement accepté. Il a toutefois précisé que la décision rendue mercredi par le Tribunal fédéral nécessite encore de plus amples analyses.

Réactions
Rentabilité à démontrer

Pro Natura, le WWF et la Société vaudoise des pêcheurs en rivières regrettent que le Tribunal fédéral ait accordé un poids prépondérant aux intérêts économiques au détriment de la protection de la nature et du paysage dans les gorges de Covatannaz, où la rivière est encore intacte. Mais il n’est pas encore certain que l’Arnon soit privée d’une partie de ses eaux puisque la cour a assorti sa décision de plusieurs questions auxquelles devront répondre les promoteurs et l’administration vaudoise. Selon les associations de protection de la nature, la rentabilité économique de la mini centrale hydroélectrique devra être mieux démontrée.

Philippe Villard