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Une journée pour dépassionner l’addiction
Christian Maillefer (à gauche) et le directeur Julien Maret devant le seuil de la Fondation Bartimée, qui ouvrira ses portes ce samedi.

Une journée pour dépassionner l’addiction

10 octobre 2024 | Texte: Robin Badoux | Photo: Michel Duperrex
Edition N°3806

Cela fait maintenant trois décennies que la Fondation Bartimée accompagne les personnes atteintes d’addiction dans la région. Un long combat sécuritaire, social et sanitaire, dont il sera possible d’apprécier les différentes facettes ce samedi lors des portes ouvertes organisées pour l’occasion.

« On se demande rarement dans quelle société nous vivons pour qu’il y ait un tel besoin de s’évader par la consommation de substances… »

Récemment, le deal de rue a remis les problèmes d’addiction, de consommation et de répression au centre des débats. Un climat socio-politique tendu avec lequel doit composer la Fondation Bartimée, en première ligne depuis trente ans dans l’accompagnement des adultes présentant des troubles liés à la consommation de substances.

Fondée en 1994, à une époque où les scènes ouvertes de la drogue se multipliaient en Suisse, la Fondation lutte, encore également, afin de dédramatiser les problèmes de consommation. « L’ambiance médiatique est aujourd’hui très clivée à propos de l’addiction, remarque Julien Maret, directeur de la Fondation depuis juillet 2022. Tout est noir ou blanc, sans entre-deux possible. Nous nous sommes donc dit que pour nos 30 ans, il fallait faire quelque chose d’ouvert, pour redonner la parole aux personnes concernées par l’addiction, présenter nos activités et dépasser les préjugés. »

A ce titre, le directeur actuel déplore les amalgames qui entourent le monde de la drogue, entre trafiquants et consommateurs. « Notre souhait est de dédramatiser la situation. Pour ne pas avoir peur de traverser la place d’Armes et ne plus mettre tout le monde dans le même panier » , assure-t-il.

Malgré tout, les préjugés ont toujours la vie dure, comme peut en témoigner Christian Maillefer, responsable du secteur résidentiel et actif à la Fondation Bartimée depuis 18 ans : « On me demande toujours si je n’ai pas peur de travailler ici, avec des personnes victimes d’addiction. »

Les mécanismes de l’addiction

Les portes ouvertes seront ainsi l’occasion de donner une image plus réaliste de la maison Bartimée et de ses résidents. « Nous nous assurons d’avoir une mixité de personnes pour que chacun puisse apprendre à vivre en communauté. L’objectif est que ces personnes puissent réintégrer la société » , explique le directeur. Des profils très divers se côtoient donc sur place. «Car tout le monde peut être concerné, poursuit Julien Maret. C’est pourquoi il est important de déstigmatiser cette problématique très large. »

En effet, même si les résidents de la Fondation Bartimée sont avant tout concernés par des problèmes liés aux produits, l’addiction touche de nombreux domaines, comme les jeux d’argent ou les écrans. «Les mécanismes de l’addiction sont toujours les mêmes quel que soit l’objet. C’est aussi ce que nous essayerons d’expliquer lors des portes ouvertes. »

Au-delà de la répression

La journée de samedi sera également l’occasion de présenter les différentes missions de la Fondation, en lien avec la politique suisse en matière de drogues et de leurs conséquences. Celle-ci repose sur quatre piliers: la prévention, la thérapie, la réduction des risques et la répression. C’est d’ailleurs ce dernier élément qui émerge le plus dans les débats en lien avec la situation actuelle dans les rues. « Il y a beaucoup de produits psychotropes illégaux. Et quand un produit est interdit, c’est encore plus difficile de surveiller sa consommation. Mais c’est aussi le cas avec des produits culturellement et socialement acceptables, comme l’alcool. Même si on a le courage de dire non au premier verre, la chimie du cerveau intervient et peut finalement amener une perte de maîtrise. C’est pourquoi il est important de dépassionner le débat et de sensibiliser en amont. »

Le travail comme médicament

La Fondation Bartimée présentera ce week-end ses différentes prestations, qui diffèrent selon les établissements. Des stands exposeront ainsi les activités menées à Y-Métal et à la Ressourcerie, deux lieux gérés par la Fondation et les personnes en réinsertion. Des ateliers dans lesquels les travaux entrent pleinement dans les démarches d’accompagnement de l’établissement. A noter en ce sens que ce sont les pensionnaires, encadrés par le personnel soignant, qui s’occupent au quotidien de la gestion de la maison Bartimée. « C’est plus facile de se confier sur ses problèmes lorsqu’on épluche des patates » , témoigne Christian Maillefer. Et le directeur d’ajouter : « Il y a un aspect socio-éducatif. Valoriser le travail, c’est valoriser l’estime de soi. Car l’addiction amène souvent un principe d’auto dénigrement et d’auto- destruction. Cela permet aussi aux pensionnaires de dire à leur famille qu’ils travaillent et ne passent pas leur temps à glander ! »

Autant d’éléments qui permettront, lors des portes ouvertes, de découvrir comment fonctionnent nos cerveaux face à l’addiction et de dédramatiser les débats liés à la consommation.


INFOS PRATIQUES

Quoi : Portes ouvertes à l’occasion des 30 ans de la Fondation Bartimée. Quand : Samedi 12
octobre de 10h à 17h.
Où : Grandson, Corcelettes 11.
Programme : Ateliers et stands de présentation de la Fondation. Représentations de la compagnie Les ArTpenteurs sous chapiteau. Projections du cinéma mobile L’Entracte Nomade. Cheminement artistique dans le parc avec les œuvres de Paul Estier et Sylvain Meyer.
Nourriture et boissons, offertes tout au long de la journée, et animations pour enfants.