Vallorbe – La quatorzième édition du festival des couteliers a battu un record de fréquentation. Pourtant, l’hôte d’honneur a bien failli ne jamais arriver sur son stand.
Il est à peine 10h du matin. Et déjà, une file de visiteurs s’agglutinent devant l’entrée du Musée du fer et du chemin de fer, à Vallorbe. Et pour cause, l’établissement ouvrait ses portes, de samedi jusqu’à hier, à trente artisans suisses et étrangers à l’occasion du Festival des couteliers.
Pour cette quatorzième édition, les délicates mélodies des boîtes à musique sont venues trancher sur les lames en acier acérées. Un tour de force rendu possible grâce au travail d’orfèvre d’Alain Valette, invité d’honneur de la manifestation. Pour montrer l’étendue de son talent, l’homme qui expose d’ordinaire uniquement dans les grandes foires, comme celle de Paris, a importé l’ensemble de ses œuvres à Vallorbe, soit le fruit de trente-deux années de labeur. Une première.
Mais l’artisan de Béziers (F) a bien failli ne jamais arriver derrière son stand. «Les douanes n’ont pas été très sympas», soupire la femme de l’artiste. En effet, Alain Valette et ses couteaux ont été bloqués à la frontière suisse durant près de trois heures, jeudi dernier. «Ça a été compliqué pour apporter tout mon matériel ici, relève l’artisan. Pourtant, je préparais les papiers de dédouanement depuis le mois de janvier. Du côté français, les douaniers voulaient connaître tous les matériaux que j’avais utilisés pour chacune de mes pièces! J’ai dû tout détailler et, ensuite, la Dreal (ndlr: direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement) a effectué une expertise pour vérifier que je n’avais pas utilisé de matériaux interdits.»
Du côté suisse en revanche, le problème se situait ailleurs: «Ils ont considéré que certains de mes couteaux étaient des armes et donc, pour les transporter, il me fallait un permis spécial, s’étonne Alain Valette. Pour moi, ce ne sont pas des armes mais des œuvres d’art.» Après de longues discussions, le coutelier a pu rejoindre la Cité du fer avec sa panoplie de lames.
Messages cachés
Sans se douter de ces tracas administratifs, le public a ainsi pu admirer les créations du Français, dont la marque de fabrique est le mécanisme «eureka». L’homme est en effet le seul à créer des couteaux qui s’ouvrent avec un système similaire à celui utilisé pour remonter les anciennes montres.
Mais la star de ses trois vitrines, c’était Suspense, le premier couteau doté d’une véritable boîte à musique miniature. Un prototype inventé par Alain Valatte, en collaboration avec Reuge, et dont le prix avoisine les 16 000 euros. «Reuge a prévu de fabriquer huit exemplaires au total. Dans le monde de l’art et des objets rares c’est peu», précise le comptable de formation qui espère étendre son partenariat avec l’entreprise sainte-crix à d’autres projets.
Car ce ne sont pas les idées qui manquent à l’artisan, à l’image de sa réalisation baptisée Nemo. «Ce couteau, c’est le capitaine Nemo qui me l’a commandé dans un rêve, rigole Alain Valette, en détaillant les références au roman de Jules Verne. Il voulait être le seul à pouvoir l’ouvrir, alors j’ai imaginé des boutons secrets.» Une lame avec une pointe indienne, pays d’origine du capitaine, et une gravure de pieuvre en 3D, symbole du marin, ainsi qu’une carte au trésor pour le guider sur l’île mystérieuse ou encore un coffre-fort caché dans le manche: le coutelier n’a pas lésiné sur les détails. Et comme pour chacune de ses œuvres, il a pris le temps de concevoir un univers autour de cette pièce unique.