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Une véritable révolution culturelle

10 septembre 2015

Yverdon-les-Bains – La visage de la culture, dans la Cité thermale, a été bouleversé, à partir de 2012, avec les arrivées successives de trois nouveaux directeurs. Petit bilan après trois ans.

Sophie Mayor. © Michel Duperrex

Sophie Mayor.

C’était l’année 2012 et, sans que beaucoup prennent véritablement conscience du bouleversement en cours, la culture yverdonnoise entamait alors une mue sans précédent. Au niveau politique et organisationnel d’abord, puisque c’est également cette année-là, en juin pour être précis, que naissait le Service de la culture, dont on confia les clés à Raphaël Kummer -chargé de mission jeunesse et culture, depuis 2009, au sein de l’administration communale- alors promu chef du dernier né des services de la Ville.

Une nomination qui ajoute un chambardement au coeur d’une véritable révolution, car parallèlement, en coulisses, toutes les têtes sont alors, coup sur coup, renouvelées.

Ainsi, en l’espace d’une année, Thierry Luisier est nommé directeur du Théâtre Benno Besson, Sophie Mayor succède à Brigitte Romanens à L’Echandole, et Karine Tissot empoigne la mue de la Galerie de l’Hôtel de Ville en Centre d’art contemporain. Sans oublier l’arrivée, un peu plus tôt, de Marc Atallah à la direction de la Maison d’Ailleurs qui, bien qu’actrice culturelle majeure de la Cité thermale, ne répond pas directement du Service de la culture.

Les trois nouveaux directeurs d’institutions communales vont alors, ensemble, s’atteler à faire bouger les habitudes. Fini le travail en individualité, place à la collaboration, et ce, même si les raisons propres de leur venue dans la Cité thermale sont bien différentes, allant de l’aspiration au hasard, en passant par la sensation d’y voir une réelle opportunité.

Thierry Luisier. © Michel Duperrex

Thierry Luisier.

«Mon premier contact, sur le sujet, avec Pierre Bauer date d’environ quatre ans avant son départ à la retraite. Je lui ai expliqué mon désir de prendre sa succession et voulais m’assurer qu’elle n’était pas imminente, avant d’accepter un poste au Théâtre du Passage à Neuchâtel, car je ne voulais pas m’y engager pour une courte durée», explique Thierry Luisier. Quant à Sophie Mayor, qui était alors à la tête de La Tournelle, à Orbe, les choses se sont jouées dans un train, lorsque Brigitte Romanens lui demanda si elle allait postuler, avant de l’encourager à se poser la question. «Ce que j’ai fait», sourit l’actuelle directrice de L’Echandole. Enfin, Karine Tissot est tombée amoureuse du potentiel du lieu, lorsqu’elle le découvrit, de retour d’une exposition à La Chaux-de-Fonds. «J’ai été séduite par l’emplacement, au coeur de la ville et de plain-pied. Et puis, c’était à une époque où on parlait déjà beaucoup de Pôle muséal, Yverdon-les-Bains avait manifesté son intérêt pour accueillir le Musée cantonal des Beaux-Arts, et il m’a semblé très intéressant de pouvoir combler un manque en matière d’art contemporain, hors du circuit traditionnel du marché, dans ce carrefour de la Suisse romande.»

Puis vint le temps des nominations successives. «Et c’est vrai que l’on s’est tout de suite réjoui de travailler tous ensemble, explique Sophie Mayor. Et puis, l’un des points positifs de toutes ces nouvelles arrivées, c’est que l’on démarrait ensemble, avec les mêmes envies de synergies et de choses plus contemporaines.»

Karine Tissot. © Michel Duperrex

Karine Tissot.

Mais, si l’accueil de la part de la hiérarchie a été unaniment excellent, restait alors encore à convaincre le public qui était habitué à «des marques de fabrique» depuis de nombreuses années, puisque les différentes directions précédentes étaient en place depuis 20 ans au TBB, 12 du côté de L’Echandole et plus de 30 ans à l’ancienne Galerie de l’Hôtel de Ville. Et là, les choses ne se sont pas passées aussi facilement partout. Car, si au niveau des théâtres, les différences de styles et les nouvelles envies ont assez rapidement été comprises et acceptées «du moment où l’on explique la démarche», explique Thierry Luisier, la transition a été, de fait, plus délicate du côté du Centre d’art contemporain qui, lui, ne pouvait s’inscrire dans aucune continuité, le projet étant totalement neuf.

«C’est vrai qu’il y a eu une rupture avec une partie de l’ancien public de la galerie, reconnaît Karine Tissot. Mais une partie est restée et, surtout, une nouvelle audience a été gagnée, entre autres en provenance de Genève, de Lausanne et même de Suisse alémanique, ce qui permet, et je m’en réjouis, une bonne résonance d’Yverdon-les-Bains à l’extérieur.»

Un paradoxe, quelque part. Car en cette période où, comme l’atteste la directrice du Centre d’art contemporain, «ailleurs, dans les autres villes du pays, on parle beaucoup de notre ville comme d’un exemple en matière de culture, où les choses bougent», intra-muros, et c’est peut-être là, à l’heure du bilan des «1000 jours», leur principal regret, les directeurs des institutions ont parfois l’impression d’évoluer, au regard du politique, en marge de la société.

«En ce sens où nous ne faisons pas que du divertissement et que la culture fait partie intégrante de la société, nous faisons partie du service public. Et c’est vrai que, sans faire de généralités, on a parfois l’impression que les politiques, au sens large, se préoccupent peu de nous, on a très peu de retour sur notre travail. Ce qui est étrange lorsque l’on sait que nous avons, à Yverdonles- Bains, la chance d’avoir une offre culturelle particulièrement riche», constatent les trois directeurs. Mais un regret qui ne fait pas le poids face à la satisfaction d’avoir tous pu fidéliser et augmenter leur public grâce à des offres qui, manifestement, répondent à des attentes.

Quant au prochain bouleversement de taille, au sein du monde culturel yverdonnois, soit le changement à la tête du dicastère pour la prochaine législature, les trois directeurs l’abordent avec philosophie. «Cela apportera un regard neuf et, qui que cela soit, il se battra pour la culture, ce qui est une excellente choses», assure le trio.

Raphaël Muriset