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Le Vacherin à l’heure du numérique

2 octobre 2017 | Edition N°2092

L’Auberson – En collaboration avec l’Interprofession du Vacherin Mont-d’Or, la Fromagerie Tyrode a codéveloppé un procédé permettant le traçage informatique de l’ensemble de la fabrication du fromage. Une innovation qui pourrait faire recette.

Chaque lot de Vacherin est muni d’un QR code. A L’Auberson, Vincent Tyrode produit 120 des quelque 580 tonnes qui sont fabriquées chaque année en Suisse. ©Carole Alkabes

Chaque lot de Vacherin est muni d’un QR code. A L’Auberson, Vincent Tyrode produit 120 des quelque 580 tonnes qui sont fabriquées chaque année en Suisse.

Une pâte dorée et onctueuse, un arôme délicat et finement boisé, un cerclage en écorce d’épicéa caractéristique : le Vacherin Mont-d’Or respire l’authenticité. Artisanale et vieille de deux-cent ans, sa fabrication fait la fierté de toute une région. Elle pourrait, toutefois, vivre un tournant. Tout du moins à la Fromagerie Tyrode, sur les hauteurs de L’Auberson.

Jusqu’ici restée en marge de l’informatisation qui gagne, depuis quelques années, les fromageries suisses, les caves d’affinage du fabricant de Vacherin sont, depuis peu, investies de tablettes numériques. En collaboration avec l’Interprofession du Vacherin Mont-d’Or et l’entreprise valaisanne Fairetrace, Vincent Tyrode a développé une application mobile révolutionnaire. Le but : tracer de façon informatique la fabrication du produit, «de la vache à l’assiette du consommateur».

Vincent Tyrode, 42 ans, fromager français établi à L’Auberson depuis 2001. ©Carole Alkabes

Vincent Tyrode, 42 ans, fromager français établi à L’Auberson depuis 2001.

«Avec toute la paperasse, je remplissais cinq-six classeurs fédéraux par année. Sans parler des heures perdues à feuilleter les pages à la recherche d’une information. Aujourd’hui, grâce aux tablettes, j’ai la réponse en deux minutes», s’enthousiasme le fromager. Quantité et provenance du lait, temps de chauffe, affinage et analyses : toutes les étapes de la fabrication sont soigneusement informatisées dans un logiciel et transmises «en direct» au fabriquant, ainsi qu’à l’Interprofession. Dix-huit mois ont été nécessaires à la conception de cette innovation.

 

Le spectre de la listériose

 

«S’il y a un problème, une alerte se déclenche. De cette façon, nous pouvons intervenir à n’importe quel moment du processus et, ainsi, éviter le pire», note Vincent Tyrode, en relevant, toutefois, la contrainte d’augmenter le nombre de bornes Wi-Fi aux quatre coins de la fromagerie.

Dans les années 1980, une épidémie de listériose due au Vacherin Mont-d’Or avait fait une trentaine de morts en Suisse. Un coup dur qui a failli s’avérer fatal pour l’interprofession. «Cette affaire hante encore la tête des fromagers. Le Vacherin est le produit alimentaire le plus soumis à des tests d’hygiène en Suisse. La digitalisation de la traçabilité de sa fabrication a, ainsi, encore plus sa raison d’être», conclut le fromager.

 

Profession rajeunie

 

Comme nombre d’autres professions «manuelles», le métier de fromager souffre d’un désintérêt de la part de la jeune génération. Pour Vincent Tyrode, la numérisation croissante de la fabrication du fromage pourrait, toutefois, ralentir, voire inverser, cette tendance : «Avec les robots, les automates et maintenant les tablettes qui s’invitent dans les caves, le métier de fromager se modernise et les jeunes se sentent de plus en plus en phase avec cette digitalisation.» Conséquence directe : la «vieille» génération, réfractaire à tout changement drastique dans sa manière de travailler, pourrait, elle, se retrouver sur la touche.

 

Démarche participative pour les consommateurs

 

Inquiète de la qualité des produits alimentaires, la population est toujours plus nombreuse à se soucier de la provenance et du mode de fabrication de leur nourriture. Des préoccupations qui ne sont pas tombées dans l’oreille d’un sourd, puisque Vincent Tyrode est allé plus loin que l’informatisation de la traçabilité de la fabrication du Vacherin. «J’ai équipé chaque lot de fromages d’un QR code (ndlr : un type de code-barres en deux dimensions constitué de modules noirs disposés dans un carré à fond blanc)», confie le fromager. En le scannant avec leur Smartphone, les consommateurs sont renvoyés vers une feuille de dégustation complète. «Nous goûons systématiquement chaque lot de Vacherins. En plus de la date de fabrication et la provenance du produit, les consommateurs ont accès à toutes sortes d’informations», explique l’artisan, jamais rassasié en matière d’innovation.

Simon Gabioud