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Vent de contestation sur le village
Vue du parc éolien du Mollendruz depuis Romainmôtier. © Photomontage/Profil Paysage

Vent de contestation sur le village

12 mars 2018 | Edition N°2203

Huit membres du Conseil général ont déposé un recours, jeudi soir, contre la décision de faire revoter l’organe délibérant sur la création d’un parc éolien sur les crêtes du Mollendruz. Un point pourtant déjà tranché et refusé.

Décidemment, la commune de La Praz ne cesse de faire parler d’elle. En effet, elle avait déjà provoqué des remous en janvier dernier lorsque son Conseil général avait refusé, à la surprise générale, la création du projet de parc éolien sur les crêtes du Mollendruz. Ensuite, la Municipalité pratous avait à son tour défrayé la chronique en annonçant sa volonté de faire revoter, une ultime fois, l’organe délibérant sur le même préavis. «Depuis, dans le village, on s’amuse à dire que La Praz est devenue la nouvelle Amérique du sud», raconte une habitante. Avec sept autres membres du Conseil général, jeudi dernier, elle a généré un nouveau rebondissement en déposant un recours auprès du Conseil d’Etat contre la décision de l’Exécutif (lire La Région du 9 mars). «La préfète a jusqu’à mercredi pour donner ses premières déterminations sur le dossier au service de justice du Canton», explique Me Laurent Trivelli, avocat mandaté par les opposants.

Un simple contretemps

Quant aux promoteurs du projet lancé en 2009, à savoir les trois communes sur lesquelles seront installées les douze éoliennes – Juriens, Mont-la-Ville et La Praz –, ainsi que le Service des énergies d’Yverdon-les-Bains (SEY) et le Service d’électricité de la ville de Zurich (EWZ), ils restent confiants: «C’est certes une péripétie, mais nous sommes sereins, commente Pierre Dessemontet, municipal de la Cité thermale chargé du SEY. Par contre, on constate que les gens qui nous ont dit que c’était un déni de démocratie de solliciter un second vote attaquent maintenant la décision du Bureau de l’assemblée de commune.»

Et d’ajouter: «Notre plan B était de savoir si le parc pourrait vivre sans les trois éoliennes sur La Praz, mais la question a vite été éliminée car la Municipalité voulait d’abord voir si le résultat de janvier se confirmait.» Et avant ce second round, une nouvelle séance d’information, interdite aux médias, a été agendée.

Pour rappel, l’un des arguments des promoteurs pour expliquer ce premier refus était de dire que ce soir-là, 38% des membres du Conseil général venaient d’être assermentés (contre 15% à Mont-la-Ville et 17% à Juriens). Ceux-ci auraient donc voté «sans connaître le dossier». «On a crié partout ça, mais en fait, je n’ai compté que trois personnes vraiment nouvelles sur les onze assermentées. Tous les autres sont des personnes qui sont là depuis des années ou qui ont fait venir leur conjoint. Ce sont donc des gens qui ont suivi le projet», révèle un des membres du délibérant, en fonction depuis de nombreuses années.

Un cas d’école

La grande question qui se pose désormais est de savoir s’il est légal de soumettre à nouveau au Conseil général exactement le même texte à la vrigule près, seulement deux mois après un vote négatif. «Comme il n’y a pas de disposition légale qui s’y oppose, c’est donc possible», relève Corinne Martin, cheffe du Service des communes et du logement. «En droit public administratif, il n’y a pas ce que l’on appelle l’autorité de la chose jugée. On pourrait très bien redéposer une demande de permis de construire identique le jour après avoir reçu un refus, atteste Me Alain Thévenaz, avocat mandaté par la plupart des communes de la région impliquées dans des projets éoliens. Ce n’est pas fréquent, mais cela arrive. L’an dernier par exemple, j’ai eu le cas d’une commune qui a fait revoter exactement le même préavis deux ou trois mois après un refus parce qu’elle avait le sentiment qu’il fallait encore un peu d’explications.»

Un argument qui ne convainc pas Me Laurent Trivelli: «Cela relève d’un mépris criant de l’esprit de nos institutions. Et ce n’est pas parce que cela s’est déjà produit que c’est constitutionnel.» Affaire à suivre.

Christelle Maillard