Juriens – Parmi les neuf nominés, les lecteurs de La Région Nord vaudois ont élu Cédric Chezeaux personnalité de l’année 2017. L’histoire de cet agriculteur, qui a choisi de vendre ses bovins pour se reconvertir dans la production de blés anciens, a touché le public en plein cœur. Rencontre.
La course a été serrée entre l’agriculteur révolutionnaire, Cédric Chezeaux, et la bénévole au grand cœur, Laura Di Pietrantonio. Deux histoires vraies, deux vies dédiées à aider son prochain. Mais c’est le paysan de Juriens qui a finalement été désigné personnalité préférée pour l’année 2017 par les lecteurs de La Région Nord vaudois, avec 121 voix contre 110 pour l’Yverdonnoise. L’éleveur de vaches laitières de père en fils s’est fait connaître grâce au documentaire de Lila Ribi «Révolution silencieuse», sorti il y a un an jour pour jour. Lui et sa famille y témoignent leurs craintes et leurs difficultés à abandonner la production de lait pour passer à celle de céréales anciennes et biologiques (lire La Région Nord vaudois du 18 janvier 2017).
Cédric Chezeaux, vous attendiez-vous à décrocher ce titre ?
Absolument pas. D’ailleurs, je n’avais même pas vu que j’étais parmi les nominés. C’est ma famille qui me l’a dit. Et j’avoue avoir pris ça à la rigolade. Alors, quand vous m’avez annoncé que j’avais gagné, je ne vous ai pas tout de suite cru.
Qu’est-ce que cette élection signifie pour vous ?
Je me suis rendu compte qu’il y avait visiblement des attentes du public. Mais quelles sont-elles ? Car le documentaire «Révolution silencieuse» n’aborde pas uniquement le thème de l’agriculture, mais aussi les différentes possibilités de vie (ndlr : la famille Chezeaux a notamment choisi de faire l’école à la maison). Et peut-être que le film a touché les gens qui sont en mal être avec la société actuelle ou avec leurs convictions.
Comment expliquez-vous avoir suscité plus d’intérêts que la conseillère d’Etat Cesla Amarelle (22 voix)?
J’ai beaucoup d’admiration pour les politiciens, mais je pense que mon message était peut-être plus facile à faire passer. L’agriculture, c’est notre lien à nos racines ; d’une part, on a probablement tous des aïeux paysans et, d’autre part, on mange tous des produits de la terre.
Vous êtes justement issu d’une famille paysanne depuis des générations. Était-ce votre rêve de devenir agriculteur ?
Fondamentalement, j’ai toujours aimé ce travail, même si j’avais de la peine à l’avouer lorsque j’étudiais au collège à Orbe. Il faut dire que le métier de paysan avait une connotation négative.
Dans votre carrière, avez-vous travaillé ailleurs qu’à la ferme de Juriens ?
Oui, j’ai fait mon apprentissage en Thurgovie, à Hüttwilen et à Engishofen. Cela n’a pas été facile parce qu’à l’époque, je ne pouvais pas envisager de quitter le village. Mais au final, j’ai eu raison de partir.
Qu’est-ce qui vous a marqué durant cet échange de deux ans ?
Je me rappelle avoir été très très fatigué, parce que j’avais une stature plutôt frêle et je travaillais sept jours sur sept. Mais ce qui m’a beaucoup surpris, c’est que les paysans mangeaient peu de choses qui venaient de leur ferme. Ils mangeaient surtout du Fleischkäse (ndlr : fromage d’Italie) et des cervelas.
Cette expérience vous a-t-elle influencé dans votre choix de vie actuelle, qui mise sur une alimentation locale ?
Oui, certainement. J’ai vu ce que j’avais envie de faire et ce que je n’avais pas envie de faire chez moi. Je trouve naturel de mettre ses produits sur sa table, car non seulement on peut en faire une autocritique, mais surtout on le mérite.
Quatre ans après votre réorientation professionnelle, comment vous en sortez- vous ?
On est tous surpris d’avoir autant de demandes. Quand les gens viennent vous voir, les larmes aux yeux, pour vous remercier, on se dit qu’on n’a pas fait tout faux.
Et votre famille dans tout ça ?
C’est vrai que cette manière de cultiver est omniprésente dans nos vies, car on en parle souvent avec mon épouse. Mais on ne veut pas que cela soit étouffant pour les enfants. Je suis heureux de voir que deux de mes fils ont rendu des travaux personnels proche de l’agriculture à la fin de leur apprentissage. Je crois qu’ils prennent conscience des enjeux autour de la biodiversité, et que c’est à eux d’agir : soit ils subissent les évolutions, soit ils font partie du changement.
L’homme derrière l’agriculteur
Afin de cerner cette nouvelle personnalité de l’année, nous lui avons posé plusieurs questions décalées. Découvrez Cédric Chezeaux sous un tout autre angle.
L’école, un plaisir ou un fardeau ?
Je ne rêvais que d’une chose : être libéré de mes cours pour pouvoir bricoler. C’était évident que j’exercerai un métier manuel.
Etiez-vous un «matheux» ou un «lettreux»?
J’avais choisi comme option spécifique maths-physique, mais j’aimais surtout la géométrie.
Si vous pouviez avoir une super pouvoir, lequel choisiriez-vous ?
Savoir faire tomber la pluie.
Que préférez-vous écouter : AC/DC, Beethoven ou Mika ?
Mika. Je l’ai découvert grâce à mes enfants et j’aime bien. Je suis plutôt musique populaire.
Qu’est-ce qui vous fait plaisir quand vous avez le moral dans les chaussettes ?
D’écouter «Ave Maria». Ce morceau me fait toujours frissonner et me donne un coup de boost quand j’ai le blues.
Si vous deviez vous réincarner, en quoi aimeriez- vous revenir sur terre ?
En un majestueux cèdre du Liban. Un arbre est certes immobile, mais il offre autre chose : la contemplation.
Poursuivez-vous une quête ?
Oui, j’aimerais apporter plus de beauté et de poésie dans mon quotidien. Par exemple, je sème déjà mes graines en créant des dessins géométriques.
Et si vous aviez à nouveau 16 ans, reprendriez-vous le même chemin ?
Oui, je pense. Mais j’écouterais plus mon cœur, car j’ai beaucoup cru les gens qui m’entouraient et beaucoup trop écouté les autres et leurs règles. Je pense qu’il y a un âge pour apprendre et un autre pour désapprendre, mais si j’avais pu me faire confiance à 16 ans au lieu de 30 ans, j’aurais gagné du temps.
Le podium
Cédric Chezeaux
L’agriculteur révolutionnaire
Premier avec 24% des voix
Laura Di Pietrantonio
La bénévole au grand cœur
Deuxième avec 22% des voix
Matthieu Pahud
Le repos du titan
Troisième avec 18% des voix
Deux gagnantes tirées au sort
Myriam Sandoz, de Champagne, est la grande gagnante de notre tirage au sort. Elle remporte le puissant casque Sony MDR- 1000X. Toute l’équipe de La Région Nord vaudois la félicite et la prie de bien vouloir venir chercher son lot jusqu’au 28 février 2018.
Mais ce n’est pas la seule chanceuse. En effet, cette année, deux prix étaient au concours. Et le second a été décroché par Anne-Marie Petitpierre, de Bonvillars.
La Nord-Vaudoise recevra un bon pour un menu pour deux personnes, au restaurant La Terrasse, à l’Hôtel La Prairie, à Yverdon-les-Bains. Bravo à nos deux lectrices.