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La renaturation suit calmement son cours

27 décembre 2016 | Edition N°1900

Nord vaudois – La remise à l’état sauvage des cours d’eau progresse, pour répondre à la stratégie fédérale et cantonale. Eclairage sur ces démarches synonymes de consensus.

Remis à ciel ouvert, le ruisseau des Billardes, à Donneloye, offre un havre de tranquillité apprécié de la population locale, expliquait l’inspecteur forestier Pierre Cherbuin dans nos colonnes en octobre 2015. ©Duperrex-a

Remis à ciel ouvert, le ruisseau des Billardes, à Donneloye, offre un havre de tranquillité apprécié de la population locale, expliquait l’inspecteur forestier Pierre Cherbuin dans nos colonnes en octobre 2015.

Aménagement de la Thièle, renaturation du ruisseau des Vuaz, à Pomy, de celui des Vouattes, dans la Cité aux deux poissons, et de celui de l’Ordillan, à Cuarny : les interventions pour redonner un environnement naturel aux cours d’eau de la région fleurissent. Si ces mesures découlent de la politique fédérale en matière de protection des eaux, leur mise en oeuvre ne coule pas de source, comme l’explique Philippe Hohl, chef de la Division ressources en eau et économie hydraulique au sein de la Direction générale de l’environnement (DGE) vaudoise. «Il faut prendre le soin de discuter avec les propriétaires concernés avant la réalisation de chaque projet. Il est exclu de forcer qui que ce soit.» «Dans quelques rares cas, nous avons dû faire face des réticences. Les initiatives ont été soit abandonnées, soit adaptées», relève, quant à lui, Olivier Stauffer, chef de projet renaturation au sein de la DGE.

L’exemple des Billardes

Certaines réussites offrent, néanmoins, de belles cartes de visite à faire valoir sur la table des négociations, dans un Nord vaudois où l’enjeu principal consiste, bien souvent, à satisfaire les intérêts biologiques et agricoles. «La remise à ciel ouvert du ruisseau des Billardes, devenu un but de promenade privilégié pour les habitants de Donneloye, a donné des idées aux communes voisines», indique, ainsi, Olivier Stauffer. Le ruisseau des Marais, qui s’écoule entre Donneloye et Molondin, fait actuellement l’objet d’une réflexion. Chêne-Pâquier serait également intéressé à valoriser un cours d’eau et le Conseil de Chavannes- le-Chêne a donné son aval à la remise à ciel ouvert du Bainoz sur 1,1 kilomètre (lire notre édition du 22 décembre). Une bonne nouvelle pour la rainette verte, la salamandre tachetée et l’écrevisse à pattes blanches, présentes dans la portion de la rivière sur sol fribourgeois.

L’effort de renaturation entrepris de façon systématique depuis 2010, parallèlement aux actions de protection contre les crues, porte déjà ses fruits à certains endroits. La redynamisation de l’embouchure de la Brinaz a, par exemple, favorisé l’implantation du martin pêcheur. Philippe Hohl salue également la mobilisation de la Cité du fer pour la truite de rivière dans l’Orbe. La création de passes évite, en effet, à ces poissons d’être stoppés par des obstacles artificiels dans leur déplacement vers leur lieu de reproduction. «Cela renforce les mesures de repeuplement, moins bénéfiques pour l’espèce et à la portée moins durable», ajoute le collaborateur de l’Etat de Vaud.

Nombreux avantages

Le soutien à la biodiversité n’est pas le seul moyen de persuasion dont disposent les instances cantonales. Le retour à l’air libre des cours d’eau facilite leur suivi et leur entretien. De plus, les systèmes souterrains de canalisation mis en place, entre autres, pour limiter les risques d’inondations, finissent parfois par en causer, suite à l’accumulation de bois mort à l’entrée des collecteurs. Enfin, «la renaturation contribue à restaurer la capacité d’auto-épuration des cours d’eau, et donc à améliorer indirectement la qualité de l’eau», signale Olivier Stauffer.

Actions ciblées

Pas question, toutefois, pour l’État, d’agir sur l’ensemble du réseau hydrographique vaudois. «Une analyse préalable est toujours effectuée, en lien avec la planification cantonale. Certains ruisseaux et ruisselets ne revêtent pas suffisamment d’atouts», déclare Philippe Hohl.

Et le membre de la direction de la DGE de citer l’exemple du ruisseau du Bainoz. Malgré l’accord de principe du propriétaire concerné, sa remise à ciel ouvert n’englobera pas une parcelle présentant un intérêt écologique mineur. Amputé de 200 mètres, le projet a moins d’impact sur la surface agricole, sans oublier le paramètre, non négligeable, de l’optimisation des coûts.

A l’heure actuelle, treize kilomètres de rivières ont retrouvé leur état originelle à l’échelle du canton, dont 3,5 dans le Nord vaudois. 150 kilomètres pourraient connaître le même sort. «D’autres cours d’eau de la région revêtent une priorité élevée. Citons, par exemple, Le Talent, Le Bey et La Baumine», précise Olivier Stauffer.

La rivière de l’Epena, à Yvonand, est au coeur d’une étude visant à réhumidifier la forêt alluviale environnante. Des aménagements à destination de l’avifaune sont envisagés à Yverdon-les-Bains, dans le secteur des Vernes. Les travaux concernant le ruisseau du même nom, à Valeyres-sous-Montagny, devraient débuter durant l’été 2017, au même titre que le chantier du Bainoz. La Confédération prend en moyenne en charge la moitié des coûts liés à la renaturation. Le Canton est l’autre investisseur principal. Ce dernier subventionne les frais d’entretien des cours d’eau à hauteur d’environ 60%.

Ludovic Pillonel