Logo

Vallorbière au coeur de la tourmente

5 avril 2017 | Edition N°1970

Yverdon-les-Bains – Le procès d’un jeune homme d’origine française s’est poursuivi, hier, devant le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois. Il est notamment accusé de viol et d’enlèvement d’enfant.

Le Ministère public, représenté par Xavier Christe (au centre), a ouvert les plaidoiries, hier après-midi, contre le prévenu de 29 ans (à dr.). ©Emmanuelle Nater

Le Ministère public, représenté par Xavier Christe (au centre), a ouvert les plaidoiries, hier après-midi, contre le prévenu de 29 ans (à dr.).

Hormis le fait qu’elles ont toutes les trois de longs cheveux bruns et qu’elles ont eu une relation amoureuse avec le même homme, elles ont également toutes les trois été se réfugier au centre d’accueil MalleyPrairie après leur rupture respective avec le prévenu (lire La Région Nord vaudois du 4 avril). Et chacune a déposé au moins une plainte contre ce Français qui vit en Suisse. C’est sur la base de ces démarches judiciaires que le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a entendu, lundi et hier, les versions des faits des cinq plaignante, du prévenu, ainsi que les plaidoiries du Ministère public, des trois avocats des femmes et de celui du jeune homme de 29 ans. Deux jours n’ont pas été de trop pour démêler tous les événements qui se sont déroulés de 2013 à 2016, liés à une quinzaine de chefs d’accusation différents.

L’audience s’est ouverte, hier, sur l’histoire qu’aurait subi une mère de trois enfants de Vallorbe.Et, d’après son avocat, son récit est digne d’un film de suspens. Tout a commencé en 2014. Elle a rencontré le jeune homme et a passé de bons moments en sa compagnie. Très vite, elle est tombée enceinte, et là les choses ont dégénéré. Une première plainte avait alors été déposée en 2015 pour des violences physiques et des menaces, avant d’être retirée quelques jours après. Quelques semaines plus tard, la Vallorbière aurait été, selon ses dires, violentée, étranglée et violée à plusieurs reprises. Et le prévenu aurait menacé à diverses reprises de partir avec l’enfant si elle partait. D’après l’accusation, une convention visant à attribuer au père la garde entière de leur enfant aurait été signée après une violente dispute et en présence de la police.

 

La rupture du couple

Maître Loïc Parein, avocat de la Vallorbière, décrit les différents événements vécus par sa cliente comme étant digne «d’un film de suspens qui fait froid dans le dos.» ©Emmanuelle Nater

Maître Loïc Parein, avocat de la Vallorbière, décrit les différents événements vécus par sa cliente comme étant digne «d’un film de suspens qui fait froid dans le dos.»

Le jour où la Vallorbière s’est résignée à fuir le cocon familial, le prévenu l’aurait séquestrée durant une heure et demie en étant couché sur elle, avant qu’elle réussisse à se dégager de cette emprise. Les voisins ont ensuite appelé la police pour qu’elle intervienne. Bien que le prévenu ait admis avoir ceinturé la femme, il a présenté, hier lors de l’audience, une version des faits différente impliquant une scène de ménage, initiée par les parents de la Vallorbière, et qui aurait abouti à l’empoignement du bras de la jeune femme, chose qu’il regrette.

Alors qu’elle était réfugiée au centre d’accueil de MalleyPrairie, un examen médical a établi plusieurs ecchymoses une vingtaine de jours après, soit bien trop tard pour prouver un lien de causalité claire, selon la défense. Puis le prévenu a admis avoir tenté de joindre à des dizaines de reprises son ex-compagne, qui était au bénéfice d’une interdiction de contact et de périmètre de cent mètres. «Je sais que je n’ai pas respecté la décision mais j’ai respecté mes convictions religieuses», explique le prévenu, en soulignant vouloir dialoguer pour sauver son couple. Il a également contacté la mère et la cousine de son ex-compagne, qui ont également portée plainte. «J’angoissais à l’idée de sortir de chez moi et scrutais la rue pour voir s’il n’était pas là», confie la jeune mère.

Mais les choses se sont encore envenimée lorsque les grands-parents du petit ont averti la police par peur que le prévenu n’enlève l’enfant qu’il promenait. Le jeune-homme, quant à lui, précise qu’il souhaitait simplement faire un bisou à son bébé, âgé de six mois, mais que les grands-parents auraient mal interprété sa venue et auraient paniqué. C’est suite à cet événement que le prévenu aurait été incarcéré, en février 2016, à la prison de La Chaux-de-Fonds.

 

Joutes verbales en plaidoiries

Pour l’avocat de la défense, le Tribunal doit prendre en compte les circonstances et l’état d’esprit dans lequel se trouvait son client. Car ce dernier a subi un stress post-traumatique suite au décès de ses deux jumeaux, quelques jours après leur naissance. Et, suite à cette perte, puis au retrait de son droit de garde sur son premier enfant, qu’il a eu avec l’une des plaignantes, il craignait de revivre à nouveau cette situation avec la Vallorbière. D’autant plus que sa situation, loin de ses enfants, l’a poussé à mener deux grèves de la faim en prison. Maître Martin Brechbühl rappelle aussi que les doutes qui subsistent sur certains points doivent, selon le droit pénal, profiter au prévenu. Ainsi, il relève que seules six infractions devraient être retenues, notamment l’enlèvement, les actes de contrainte et les infractions contre la loi sur la circulation routière.

L’avocat de la défense conclut, sur le plan pénal, à une peine privative de liberté de 180 jours, soit huit mois de plus que ce qu’il a déjà purgé. Il demande, dès lors, une indemnité pour tort moral de 48 000 francs pour détention abusive. De l’autre côté, le Ministère public demande trois ans de peine privative de liberté, sans sursis. Et les avocats des plaignantes soulignent le manque de crédibilité du prévenu. Le Tribunal devrait trancher prochainement sur le sort du jeune homme.

Christelle Maillard