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Des églises de la région se transforment en musée

20 avril 2017 | Edition N°1979

Nord vaudois – Sophie Hernan, la petite-fille du peintre réputé Charles Louis Rivier, a prêté deux tableaux visibles dans les églises de Giez et de Montagny. Un moyen de faire découvrir au public un artiste de Mathod, dont la technique unique a été reconnue non seulement en Suisse, mais également à l’étranger.

«Avant la Descente de Croix», 1954, (crayons de couleur sur papiers collés sur trois panneaux de bois) représente les deux disciples (au centre) qui s’apprêtent à décrocher Jésus. Louis Rivier a réalisé ce triptyque de 1,65m x 4,6m en huit mois environ. ©DR

«Avant la Descente de Croix», 1954, (crayons de couleur sur papiers collés sur trois panneaux de bois) représente les deux disciples (au centre) qui s’apprêtent à décrocher Jésus. Louis Rivier a réalisé ce triptyque de 1,65m x 4,6m en huit mois environ.

«Il n’y a rien de pire que de savoir ses tableaux entreposés dans des caisses et enfermés dans la cave d’un musée», confie Sophie Hernan, petite-fille du peintre suisse Charles Louis Rivier. Alors, lorsqu’elle a hérité des différentes œuvres de l’artiste en 2016 suite au décès de son père, il était hors de question pour elle de ne pas les exposer aux yeux de tous. Le problème, c’est que la maison familiale dans laquelle elle réside, au château de Mathod, n’était pas assez grande pour accueillir trois de ses œuvres. «Il fallait que je trouve des murs assez grands pour les accrocher, parce que l’un d’eux mesure quand même 4,6 mètres de long», explique-t-elle.

La juge au Tribunal d’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois s’est d’abord adressée à la Paroisse de Mathod. Mais celle-ci non plus ne disposait pas d’un espace suffisant. Elle a donc dû faire quelques recherches et parler à plusieurs personnes de son entourage pour dénicher l’endroit qui convenait le mieux à chaque pièce. Et c’est finalement l’église de Giez qui a obtenu, début avril, l’immense tryptique nommé «Avant la Descente de Croix» (photo ci-dessus). Celle de Montagny a suspendu, jeudi dernier, «La Descente de Croix» (photo ci-dessous). Les deux sites bénéficient d’un prêt de longue durée. La convention ne prévoit aucun loyer à verser, juste des bons soins à prodiguer.

Une troisième composition religieuse cherche encore un nouveau foyer. Mais celle-ci, «Mystère de la Rédemption», est encore plus imposante, puisqu’elle mesure 2m x 7,6m. «J’ai approché la Municipalité d’Yverdon-les-Bains pour lui proposer le tableau, précise l’héritière. J’attends la réponse.»

 

L’histoire derrière l’image

 

«La Descente de Croix», 1940, (crayons de couleur sur toile, 1,20 m x 1,67 m) est désormais visible à l’église de Montagny. L’artiste y a glissé son autoportrait au milieu, sur l’échelle. ©DR

«La Descente de Croix», 1940, (crayons de couleur sur toile, 1,20 m x 1,67 m) est désormais visible à l’église de Montagny. L’artiste y a glissé son autoportrait au milieu, sur l’échelle.

Des toiles de son grand-père, Sophie Hernan en a hérité des dizaines. «Toutes ses œuvres font parties de mon histoire, confie-t-elle. Par exemple, j’ai toujours vu le portrait des mes grands-parents dans le salon et ça me ravit toujours de pouvoir le contempler au quotidien.»

Mais il y a une œuvre en particulier qui lui est très chère : «Avant la Descente de Croix». «Je n’ai pas beaucoup de souvenirs de mon grand-père, car il est décédé lorsque j’avais 3 ans, mais j’étais extrêmement proche de mon père, relate-t-elle. Et lui, il était marqué par ce tableau, il me racontait son histoire et comment son père (ndlr : l’artiste Charles Louis Rivier) l’avait réalisé.» Cette pièce n’avait, jusqu’au début du mois, jamais quitté les murs du château de Mathod. Car son père souhaitait pouvoir admirer cette peinture tous les jours. Elle a donc été installée au-dessus de son lit jusqu’à son dernier souffle. «De ce fait, Avant la Descente de Croix représente le dernier souvenir incarné que j’ai de mon papa, ajoute Sophie Hernan. Grâce à cela, il m’a transmis son émotion pour cette pièce.»

 

Prêt en toute confiance

 

En plus de ce sentiment fort qui la relie au tableau, elle peut y retrouver son grand-père Charles Louis Rivier. Car l’artiste s’est autorisé à ajouter son autoportrait en train de tenir le linceul qui va recouvrir le corps de Jésus, -il s’agit de l’homme en gris en bas à droite (voir image ci-dessus).

«Avant la Descente de Croix» est donc un véritable souvenir de famille pour l’ancienne Juge de Paix du district. Ainsi, elle ne cherchait pas seulement un mur pour accrocher le triptyque mais un toit sous lequel il serait mis en valeur et entretenu correctement. «Pour le préserver au mieux, il faut que l’air ne soit ni trop humide ni trop sec et la pièce doit être chauffée mais pas trop non plus», explique Sophie Hernan. L’atmosphère des églises, et particulièrement celle de Giez, était donc parfaite pour abriter l’œuvre : «Comme la paroisse à un magnifique orgue, l’hydrométrie est contrôlée de près et ce n’est pas un lieu trop chaud, poursuit-elle. J’ai totalement confiance.»

Ce prêt de longue durée ravit le syndic de Giez, Jean-Daniel Cruchet : «Nous sommes très contents de pouvoir exposer cette magnifique œuvre», conclut-il.

 

«Procédé spécial»

 

Les trois spécialités de Charles Louis Rivier sont les portraits, les paysages et les compositions religieuses. Mais ce qui le distingue de tous les autres artistes, c’est sa technique : «le procédé spécial». Celui-ci consiste à utiliser des crayons de couleur avant de flouter les traits avec une gomme, puis avec une dilutif imprégné dans un chiffon en lin. «Quand on est proche, on voit les coups de crayon, mais dès que l’on s’éloigne, tous les traits se fondent parfaitement», précise la petite-fille de l’artiste, Sophie Hernan.

 

Un peintre célèbre

 

Charles Louis Rivier, 38 ans. ©DR

Charles Louis Rivier, 38 ans.

Né en 1885 à Bienne, Charles Louis Rivier affiche très vite sa passion pour la peinture en partant, à 19 ans, se former à Paris. Il installe ensuite son atelier à Jouxtens, près de Lausanne, puis à Rome avant de revenir à Mathod, où il a vécu jusqu’à son décès, en 1963. Selon l’association des amis de Louis Rivier, qui recense ses œuvres, le peintre aurait réalisé entre 500 et 600 tableaux. Il a notamment peint des fresques, d’une ampleur de 800 m2, au Palais de Rumine à Lausanne. Elles ont été exposées durant huit ans, avant d’être retirées. Mais, cinq de ses œuvres, des portraits, ont subsisté dans la Salle du Sénat du Palais. Il a également décoré plusieurs lieux religieux de la Ville, comme la Cathédrale de Lausanne qu’il a ornée de dix-sept vitraux.

L’artiste a été couronné de la médaille d’or du Salon de la Société des artistes français et du Conseil «Arts, Sciences, Lettres», de Paris.

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Christelle Maillard