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Alain Morisod est un punk
Yverdon, 20 décembre 2018. La Marive, concert Alain Morisod et Sweet People. © Michel Duperrex

Alain Morisod est un punk

28 novembre 2019 | Edition N°2634

Bernanos avait écrit qu’un monde gagné pour la technique était perdu pour la liberté. On pourrait en dire autant d’une époque saturée de comparatifs d’audience et de calculs de parts de marché. Sur l’autel de cette sacro-sainte rationalité, les incontournables Coups de cœur d’Alain Morisod viennent, comme on le sait, d’être évacués à jamais des grilles de la RTS pour tenter de toucher un public plus jeune et plus branché les samedis soir. Alors soyons honnêtes: certainement que les amateurs d’humoristes à capuchons, très en vogue du côté de notre nouvelle télévision d’État, y trouveront leur compte. Pour toute une frange de la population, néanmoins, une telle décision laissera un goût amer, que la possibilité d’aller écouter le musicien à Vuarrens dans quelques jours (lire en page 4) atténuera déjà un peu dans notre région.

 

«L’émission du musicien genevois réchauffait le cœur des gens ordinaires»

 

Une émission ou un spectacle d’Alain Morisod, c’est un peu le bistrot du coin. Un endroit pas forcément toujours bien vu de ceux qui n’y vont pas, qui ne prétend certes pas représenter l’incarnation de toutes les vertus, mais qui réchauffe le cœur des gens ordinaires. Une émission d’Alain Morisod, c’était quelques instants de bienveillance au milieu du tumulte, c’était un programme où des gens pouvaient encore chanter sans avoir été filmés au préalable dans les toilettes d’un château pour les besoins de la téléréalité. Des émissions sans coachs peroxydés et bodybuildés hurlant dans tous les sens sur des candidats pressés comme des citrons.

Alain Morisod, dont les concerts ont marqué notre région, est un homme qui a toujours cultivé l’amitié. Parce qu’il a poursuivi son bonhomme de chemin sans céder aux modes les plus stupides de son époque, parce qu’il n’a jamais vu son public comme un tiroir-caisse ambulant, il représente un peu ce qu’était Patrick Sébastien de l’autre côté de la frontière. Un brave type dans une époque qui, tout en se croyant très humaine, chasse ceux qui apportent de la joie. Et pour toutes ces raisons, réalisons que bien loin d’être une figure conformiste, Alain Morisod est un des derniers rebelles de l’époque. Un punk en veston.

Raphaël Pomey