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«Je suis devenu mature sur le tard»

11 septembre 2014

Football – 1re ligue – Sur le terrain, Sacha Margairaz est un des leaders d’Yverdon Sport et il s’investit également au service marketing du club. A 34 ans, il jette un regard posé sur son parcours atypique, qui l’a vu évoluer à tous les échelons.

Carte d’identité

Sacha Margairaz se dit heureux d’être à YS, dans l’optique de rendre à ce club la place qui est la sienne, «en Challenge League».

Sacha Margairaz se dit heureux d’être à YS, dans l’optique de rendre à ce club la place qui est la sienne, «en Challenge League».

Nom : Sacha Margairaz.
Age : 34 ans.
Domicile : Orbe.
État civil : Marié à Eli, depuis cette année.
Parcours : Débute à Rances, avant de partir en C inter à YS, où il gravit les échelons jusqu’à la «une» et fête la promotion en LNA. Passe ensuite par Echallens, le LS et Baulmes, avant d’enchaîner les clubs un peu partout en Romandie : Bulle, Renens, Pully, Léchelles, Azzurri 90, Champvent, Monthey… Signe cet été à Yverdon Sport.

Du jeune footballeur de 17 ans qui accédait à la Ligue nationale A en 1999, sous les ordres de Lucien Favre, au taulier qu’il est aujourd’hui en 1re ligue, Sacha Margairaz a connu mille et une aventures. D’un épisode yverdonnois à l’autre, il a été de l’épopée européenne qui a vu le LS éliminer l’Ajax en Coupe d’Europe, mais aussi des plus belles années du FC Baulmes. Après cela ? Il a roulé sa bosse aux quatre coins de la Suisse romande, entre la 1re et la 3e ligue. Un parcours qui lui vaut d’être taxé de mercenaire par certains, tandis que d’autres voient en lui un joueur qui ne sait pas rester à sa place dans un vestiaire. Beaucoup s’étonnent simplement qu’un joueur de sa qualité n’ait pas fait une carrière remarquable au plus haut niveau. A 34 ans, l’aîné de Xavier se veut lucide et serein à l’heure d’évoquer sa trajectoire. Aujourd’hui, il dit vouloir de la stabilité. Il a épousé Eli cet été. Et il a trouvé au Stade Municipal un projet qui l’anime : redonner à Yverdon Sport ses lettres de noblesse. Pour y contribuer, il s’investit sur le terrain, avec le brassard, et en-dehors, au sein du service marketing du club.


La Région : Sacha, qu’est-ce qui vous a convaincu de signer à Yverdon Sport ?

Sacha Margairaz : En rentrant de Majorque, où je me suis marié, j’ai lu un article sur le président Mario Di Pietrantonio. Il veut rester dans l’ombre, mais néanmoins s’investir pour que le club retrouve son autonomie. J’ai bien aimé ça. Avec mon épouse, nous avions le projet de déménager en Espagne et je devais jouer en troisième division là-bas. J’ai demandé à YS si je pouvais venir quelques temps pour me préparer. Après deux ou trois entraînements, on m’a proposé de signer. Et j’ai accepté.


Au point de repousser vos projets d’exil ?

Oui, car le contexte est intéressant. Des gens s’investissent sérieusement pour qu’YS retrouve sa place dans la hiérarchie du foot suisse, c’est-à-dire la Challenge League. Il n’y a rien de pire que la Promotion League. Là, en 1re ligue, nous avons de nombreux derbies. Si nous montons ? Tuggen, Brühl… Il faut donc enchaîner deux promotions très rapidement. Cela doit se faire en trois à cinq ans.


Vous voyez-vous rester à Yverdon tout ce temps-là ?

Oui, pourquoi pas ? Avec un rôle ou un autre. J’ai d’ailleurs commencé à donner un coup de main au service marketing du club. Car je pense que c’est ma dernière saison en temps que joueur.


Vraiment ?

C’est en tout cas comme ça que je vois les choses aujourd’hui. Je sais que je tire sur la corde. Quand on est jeune et qu’on se fait une piqûre dans la cheville pour pouvoir jouer le week-end en LNA, on ne se rend pas compte qu’on le paiera quinze ans plus tard. Là, cela fait depuis le début de la saison que je joue blessé.


Et pourtant, vous sortez du lot. Quel est votre véritable niveau de jeu aujourd’hui ?

Je ne sais pas. C’est très dur à dire. Je laisse le soin aux observateurs de le faire. La Super League et la Challenge League ont bien changé depuis que j’y ai joué.


Comment expliquez–vous que vous n’ayez pas fait une carrière à plus haut niveau ?

C’est quelque chose qu’on me demande souvent. Déjà, je pense que je me suis beaucoup «grillé» en disant tout haut ce que les gens pensent tout bas. Mais il n’y a pas que ça. Jusqu’à mes 20 ans, je n’ai pas bu une goutte d’alcool. Et puis, tout d’un coup, tu découvres des choses. Tu as un peu d’argent, une petite notoriété… A un moment donné, je n’ai pas été assez sérieux. Contrairement à mon frère, je suis devenu mature sur le tard.


Avez-vous des regrets ?

Peut-être celui de ne pas avoir découvert plus vite l’importance d’un entraînement acharné. Mais bon, tu as 19 ans, tu es en LNA, quand on te suggère d’aller courir une heure par jour, tu te dis «attends… c’est bon…» Je n’ai pas été assez dur avec moi-même.


Au lieu de l’élite, vous avez arpenté la Romandie, dans des clubs militant plus bas…

On m’a souvent collé une étiquette de mercenaire. Mais c’est facile. Je ne dis pas qu’avec les offres qu’on m’a faites, tout le monde aurait fait les mêmes choix que moi, mais pas loin. Il y a certaines propositions qu’on ne peut pas refuser, notamment sur le plan financier, c’est clair. Mais attention, il n’y a pas que ça. J’ai toujours été là où il y avait des challenges, des projets ambitieux. Je n’ai presque jamais joué le ventre-mou d’un championnat. Et qui peut dire que je triche sur le terrain ? Personne. Je m’investis toujours à fond. Parfois trop, peut-être.


Que voulez-vous dire ?

C’est arrivé qu’au vu de mon engagement, on me demande de prendre des responsabilités.
De donner un entraînement de temps en temps. Ce qui m’a parfois placé dans une situation délicate vis-à-vis du coach, qui me voyait tout à coup comme un rival et qui m’écartait. Je n’ai jamais cherché ça.


Cela fait grosso modo depuis votre départ du FC Baulmes que vous évoluez dans le milieu du foot amateur. Pourtant, vous avez toujours continué à vous entraîner de façon quasi professionnelle, non ?

Pas tout à fait. Quand j’ai signé à Pully, je suis passé de dix à deux entraînements hebdomadaires. De l’eau au soda. J’ai pris du poids et je suis devenu un joueur moyen de 2e ligue, il faut le dire. Le déclic, c’est qu’avec mon ami Alain R o c h a t , nous avons eu l’idée de tenter notre chance en Major League Soccer. J’ai pris un coach et j’ai posé douze kilos en six semaines. Finalement, Alain, qui a le passeport canadien, a trouvé de l’embauche outre-Atlantique, mais pas moi, car j’aurais compté comme un étranger et les franchises avaient les moyens de prendre à peu près n’importe qui, donc je ne les intéressais pas. Par contre, entre temps, j’ai découvert mon corps et l’importance d’une vraie préparation. Je considère que cela permet de révéler 50% de son propre potentiel.


Et aujourd’hui ?

En plus de ce que je fais à YS, je m’entraîne du point de vue physique au Centre sport et santé, à Dorigny, avec quelques footballeurs sans club, dont mon frère et Arnaud Bühler, mais aussi d’autres sportifs, dont certains de premier plan au niveau national. Ces genslà, ils paient tout. Quand on se dit que, dans le football, des joueurs de 4e ou 5e division touchent des défraiements substantiels, cela fait un sacré décalage. Pour moi, cela implique un devoir : celui de se donner à fond, tout le temps.


Revenons à YS. Malgré un effectif intéressant, le début de saison est difficile.

On n’a pas ce qu’on souhaite, mais le potentiel est là, l’ambiance est super. Maintenant, il faut recréer du lien avec les gens. Que les joueurs aillent à leur rencontre, qu’ils soient à la buvette après les matches, pour discuter. C’est à ce prix que les supporters reviendront aux matches et que les entreprises locales soutiendront le club. Je vais d’ailleurs les contacter ces prochains temps, car il y a des choses à faire.

Lionel Pittet