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«Ce n’est pas au justiciable de payer parce qu’il a reçu deux indications différentes»

29 octobre 2020

Une interprétation différente de l’application des mesures contre le Covid entre deux gendarmes a conduit le patron d’une entreprise devant la Justice, hier. Il s’agit du premier cas en lien avec les mesures sanitaires traité par le Tribunal d’arrondissement. Va-t-il en faire un exemple?

Il est le premier à finir devant le Tribunal de police de la Broye et du Nord vaudois pour non respect de l’Ordonnance 2 sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus.

Concrètement, on reproche à un jeune entrepreneur de ne pas avoir suffisamment verrouillé l’accès à son exposition de véhicules durant le confinement.

La défense n’a d’ailleurs pas vraiment nié les faits reprochés. «On ne conteste pas une virgule, mais on conteste d’être pénalisés pour ça», a affirmé d’entrée de jeu, hier, Me Franck Ammann. Oui, le site est entouré de grillages. Oui, il y a cinq portails et tous étaient ouverts entre le 18 mars et le 11 mai, date de réouverture du showroom. Oui, les portes d’une septantaine de véhicules, parqués à l’extérieur, étaient ouvertes. Oui, mais… En réalité, la situation n’est pas aussi claire et limpide que cela. Et c’est ce qu’ont essayé d’expliquer le prévenu et son avocat au Tribunal qui, lui, cherchait simplement à savoir si objectivement un quidam qui passait par là pouvait ou non visiter l’exposition de véhicules. «Elle était fermée, mais les lieux accessibles», a souligné le prévenu.

Dès l’annonce des mesures sanitaires, ce dernier a laissé les portails de son entreprise ouverts pour éviter que tout le monde (employés, clients et livreurs) ne touche aux poignées. Idem avec certains véhicules qui devaient être nettoyés et vérifiés. Le magasin, lui, a été fermé, alors que le garage a continué ses activités, avec une vingtaine de clients par jour.

Le 18 mars, un gendarme est venu sur le site pour vérifier la situation. Il a posé des questions et entendu des explications avant de rendre un rapport qui saluait les dispositions prises pour assurer la sécurité des employés. Une seule chose a été demandée: retirer un panneau concernant l’exposition. Ce qui a été fait. Puis, un autre contrôle, par un autre policier, a eu lieu, mais il n’a pas approuvé le protocole et a dénoncé le patron. «J’étais tellement fier quand on m’a félicité pour les mesures que j’avais prises en mars, au même titre que j’ai été surpris qu’on me dénonce le 1er avril pour ces mêmes mesures!»

Une ordonnance pénale, que le prévenu conteste, le condamne à une amende de mille francs et une peine pécuniaire de 45 jours-amende, à 90 francs le jour, avec un sursis de cinq ans. «Si mon client fait opposition, ce n’est pas pour ces mille francs, mais pour sa réputation, c’est le plus important pour lui. Il a l’intime conviction qu’il a fait tout ce qu’il pouvait, a plaidé Franck Ammann, qui traitait pour la première fois un tel cas. On est ici dans un régime d’exception, avec des lois exceptionnelles, où tout le monde a essayé de faire au mieux dans l’urgence et avec des règles parfois contradictoires.» Et d’appuyer: «Je peux concevoir que la compréhension des mesures ait changé entre les premières annonces et les jours qui ont suivi. Mais on ne peut pas condamner des règles qui ont été acceptées avant. Mon client s’est fié de bonne foi aux instructions. Ce n’est pas au justiciable de payer parce qu’il a reçu deux indications différentes.» Le Tribunal tranchera.

Christelle Maillard