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Coup d’arrêt au Centre de formation

12 novembre 2020

Le Département de la formation a demandé à l’UPSA de suspendre son projet.

 

«Je constate que les conseillers d’État impliqués de près ou de loin dans notre projet ont annoncé un soutien politique fort, ce qui nous réjouit, mais ils n’ont pas trouvé le moyen de concrétiser cet appui par un soutien financier!» Président de l’UPSA-Vaud (Union suisse des professionnels de l’automobile), Nicolas Leuba fait preuve de diplomatie, mais on le sent fâché, très fâché.

En effet, les garagistes vaudois ont mis une énergie folle pour non seulement conserver leur Centre de formation à Yverdon-les-Bains, mais lui donner un nouvel élan à la fois en construisant un nouveau centre dans le périmètre du Parc scientifique et technologique Y-Parc, mais aussi en réunissant, dans le cadre de ce même projet 2Roues Suisse et GIM-CH, Groupement suisse de l’industrie mécanique.

Ce projet, dont le coût est estimé à 24 millions de francs, a été mis à l’enquête publique à fin 2018 et le permis de construire a été délivré en avril dernier. Des frais considérables -quelque 2,4 millions- ont déjà été engagés pour les études et la préparation.

Parallèlement, de nombreuses démarches ont été entreprises en vue d’assurer le financement. Tout d’abord, l’UPSA-Vaud a trouvé un investisseur institutionnel (Retraites Populaires) prêt à acquérir son site actuel, à l’avenue des Sports. Une promesse d’achat-vente a été signée pour la parcelle située dans le périmètre d’Y-Parc, entre l’E-Space et Sylvac. Cette parcelle serait acquise par la Caisse de retraite des garagistes vaudois.

Il restait ensuite à boucler le financement. Les promoteurs du projet sont donc entrés en négociation avec une banque. Pour aboutir, ils ont sollicité une aide de l’État de Vaud. Concrètement, le cautionnement d’un crédit de 3,6 millions, et 500 000 francs par année, durant dix ans, à fonds perdu. C’est peut-être beaucoup, mais moins que les 8 millions demandés initialement. Et puis il s’agit d’un centre destiné à accueillir plusieurs centaines d’apprentis par semaine.

Les porteurs du projet ont dû patienter de longs mois avant d’obtenir une réponse. Il a fallu d’abord définir quel Département, de l’économie ou de la formation, devait s’occuper du dossier. Après un passage par le Service de justice et de législation, la compétence a été attribuée au DFJC.

Dans une missive datée du 15 juillet, la conseillère d’État Cesla Amarelle, cheffe du DFJC suggère aux responsables de l’UPSA de geler le projet: «…nous vous invitons à considérer le report de votre projet comme la solution la mieux à même de permettre une nouvelle itération quant aux perspectives d’un partenariat mutuellement profitable».

Autant dire qu’à la lecture de cette lettre, le président de l’UPSA a fait un bond. Il ne comprend pas une telle position: «Nous avons engagé énormément de frais et on ne peut pas laisser les choses en l’état. Nous avons déjà demandé deux prolongations pour l’exécution de la promesse d’achat-vente du terrain. Demander le report de notre projet, c’est juste irréaliste.» Et Nicolas Leuba de relever que lorsqu’il s’est agi de sauver le Centre de formation Bobst, à Mex, l’État n’a pas hésité à engager un montant bien plus important (12 millions de francs).

Peu enclins à mettre leur projet au fond du tiroir, les responsables de l’UPSA et leurs alliés recherchent d’autre solutions afin de boucler leur plan de financement. L’une des pistes consisterait à confier la construction à un investisseur. Dans ce cas, le Centre de formation deviendrait locataire.

«Mettre un projet à l’arrêt, cela a un coût. On ne peut pas rester les bras croisés. C’est facile de vanter les mérites de la formation duale, encore faut-il s’engager concrètement. Un tel projet permet non seulement de conserver des emplois à Yverdon-les-Bains, mais aussi d’injecter 24 millions de francs dans l’économie», souligne Nicolas Leuba.

Interpellé au sujet de ce blocage, Jean-Daniel Carrard se dit surpris. Et le syndic d’expliquer: «La Ville d’Yverdon-les-Bains et Y-Parc, que ce soit la copropriété ou la société de gestion, ont toujours soutenu la venue du centre de formation de l’UPSA dans le périmètre du PST. Le principe de l’implantation a été accepté par la commission d’éligibilité, dont je ne fais pas partie.»

C’est sur cette base, et après la procédure d’enquête publique, que le permis de construire a été délivré par la Ville à l’UPSA. La copropriété a par ailleurs pris sa décision sur la base du verdit de la commission d’éligibilité, qui a considéré qu’un tel centre de formation avait également pour vocation de pratiquer de la recherche et du développement.

Le syndic n’ignore pas que les promoteurs du projet s’activent pour boucler leur plan de financement. Afin de leur donner un peu de répit, le conseil d’administration d’Y-Parc SA, présidé par Jean-Daniel Carrard, a récemment accepté de prolonger le délai d’exécution de la promesse d’achat-vente jusqu’à fin juin 2021.

Etonné par la position de l’État, le syndic d’Yverdon-les-Bains ajoute: «La pandémie coûte à tout le monde. Ce n’est pas une excuse. Et la formation, c’est l’avenir. L’état devrait revoir son raisonnement. Ce n’est pas parce que la pandémie coûte qu’il faut reporter un projet aussi essentiel pour la formation et la jeunesse.»

 

Une forme d’aide ponctuelle est à l’étude

 

La réponse, négative, en tout cas à ce stade, de la cheffe du DFJC à l’UPSA-Vaud traduit tout de même quelques intentions cachées. En effet, après avoir invoqué la pandémie et ses conséquences «sur les choix stratégiques des entreprises et des collectivités publiques», qui portent le Conseil d’État à «assurer le maintien des prestations publiques existantes, tout en contenant au maximum les déficits budgétaires à court et moyen termes», la conseillère d’État Cesla Amarelle dévoile d’autres intentions: «Des réflexions sont actuellement en cours au niveau interdépartemental à propos du secteur de l’automobile et des synergies que l’état de Vaud pourrait développer avec vos associations dans le cadre d’un projet public-privé autour de la mobilité individuelle et de ses nécessaires innovations, tant technologiques que sociétales.»

Et la cheffe du DFJC de préciser que le Conseil d’état fera part de ses réflexions à l’UPSA une fois qu’il «aura fixé ses lignes directrices en la matière», avant d’inviter les garagistes à reporter leur projet.

Contacté mardi dernier, Julien Schekter, porte-parole du DFJC relève dans un premier temps qu’avec «l’entrée en vigueur de la loi sur la formation professionnelle de 2009, et la constitution de la FONPRO, les aides à la pierre en faveur des centres de formation pour les cours interentreprises ont disparu des leviers de soutien de l’état à la formation professionnelle».

Et de poursuivre en relevant que plusieurs organisations vaudoises, confrontées elles aussi au besoin de renouveler leurs centres de formation, ont saisi le Conseil d’aide de «demandes de subventions substantielles, puisque portant sur des aides à fonds perdu».

Cela dit, la porte n’est pas totalement fermée: «Le Conseil d’État réfléchit actuellement à l’élaboration d’un nouveau véhicule juridique et financier qui permettrait -sous réserve de faisabilité- d’entrer en matière de façon subsidiaire et dans la limite des moyens financiers à disposition sur ce type de projets.»

Le problème réside donc dans le fait que le projet de l’UPSA et de ses partenaires est à bout touchant et il paraît difficile de ne pas le compromettre s’il devait être reporté aux calendes grecques.

Isidore Raposo