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«La Colombie n’est pas une surprise»

26 juin 2014

Mondial – Les buts pleuvent au Brésil, pour le plus grand plaisir de l’entraîneur du FC Grandson-Tuileries, Carlos Rangel, qui analyse avec plaisir les forces en présence.

En Colombie, pas question de sortir sans son poncho. «En fonction de l’altitude, on passe vite de 28 à 10°C», explique Carlos Rangel. Les conditions météo propres à l’Amérique du Sud sont, selon lui, un facteur clé au Mondial.

En Colombie, pas question de sortir sans son poncho. «En fonction de l’altitude, on passe vite de 28 à 10°C», explique Carlos Rangel. Les conditions météo propres à l’Amérique du Sud sont, selon lui, un facteur clé au Mondial.

Carte d’identité

Nom : Carlos Rangel.
Age : 48 ans.
Domicile : Grandson.
Profession : Architecte.
Etat civil : Marié, trois enfants.
Dans le foot : Professionnel au Deportivo Cali à la fin des années 70, membre de l’équipe de Colombie M17. Sa carrière a connu un coup d’arrêt lorsque, consécutivement à un gros choc à la tête lors d’un match, il a dû subir une trépanation. Aujourd’hui, il est entraîneur au FC Grandson-Tuileries.

Carlos Rangel est un homme heureux. D’abord parce que le Mondial bat son plein et qu’il peut vivre sa passion du ballon rond avec une intensité toute particulière pendant un mois. Ensuite parce qu’en bon esthète, il apprécie cette édition faite de nombreux buts et d’autant de rebondissements. Enfin parce que la Colombie, son pays, celui dont il a porté le maillot en sélection M17, réalise jusqu’ici un parcours sans faute. Oui, le charismatique entraîneur du FC Grandson-Tuileries a des raisons de se réjouir. Et c’est avec un plaisir évident qu’il a accepté d’évoquer cette Coupe autour de laquelle le monde tourne depuis deux semaines.

 

La Région : Carlos, les équipes sud-américaines marchent fort en ce début de Mondial…

Carlos Rangel : Oui. Et ça m’étonne… que les gens s’en étonnent ! Bien sûr, le football a été inventé en Angleterre et les plus grands championnats sont européens, mais il n’y a aucun continent où l’on joue davantage au ballon qu’en Amérique du Sud. D’ici, on peine à se l’imaginer, mais la Colombie, c’est cinquante millions d’habitants, un territoire presque deux fois plus grands que celui de la France, et une population qui joue au foot tous les jours. Imaginez le potentiel. Vous savez ce qui étonne les gens, là-bas ? Qu’un tout petit pays comme la Suisse puisse gagner le Mondial M17. Au moment du titre, des journalistes colombiens m’ont appelé pour savoir comment c’était possible.

Et alors ?

Ici, le football est très bien structuré, très organisé, beaucoup plus que ce qu’il ne l’est, traditionnellement, en Amérique du Sud, où on vit davantage au jour le jour. On a la spontanéité, mais pas forcément la rigueur. Mais ça a tendance à changer, car partout, dans le monde, on travaille pour améliorer le football. Des joueurs voyagent, découvrent d’autres manières de fonctionner et, au final, les lignes se rapprochent.

Donc, la Colombie qui se qualifie avec neuf points en trois matches, ce n’est pas une surprise ?

Non. Parce que l’équipe est bonne. En Amérique du Sud, c’est obligatoire pour aller au Mondial : toutes les nations sont réunies dans un même championnat qualificatif.
L’éventualité de tomber sur un groupe faible n’existe pas.

Radamel Falcao ne manque- t-il même pas ?

Sa blessure a changé la donne. Quand tu as une star comme Falcao, tu joues pour lui. C’est normal. Mais s’il est absent, tout le monde doit assumer un peu plus de responsabilités et c’est positif dans l’optique de la construction d’une équipe. Après, la Colombie aurait-elle été meilleure avec lui ? On ne le saura jamais.

Quoi qu’il en soit, elle est de retour en Coupe du monde après seize ans d’absence. Que s’est-il passé ?

On a eu des joueurs d’immense envergure. Des Valderrama, que j’ai côtoyé au Deportivo Cali, des Higuita. C’est très difficile d’aller vers des gens comme ça et de leur dire qu’ils ne sont plus sélectionnés. Mais si tu laisses aller, tu perds une génération, tu l’empêches de s’affirmer. Après France 98, la Colombie s’est laissé vieillir. Ses joueurs, ses cadres. C’est ce qui se passe actuellement pour l’Espagne, d’ailleurs. Mais là aussi, c’est délicat de ne pas faire jouer Casillas ou Xavi.

Votre message, c’est donc «place aux jeunes»?

Pour disputer une Coupe du monde, il faut de la fraîcheur. C’est très important. Donc, oui, il faut des jeunes. Mais des jeunes qui ont déjà de l’expérience, car un Mondial, c’est très particulier. C’est aussi une des forces de la Colombie cette année, il y a beaucoup de jeunes. Mis à part Faryd Mondragon (ndlr : devenu le joueur le plus âgé de l’histoire de la Coupe du monde en entrant mardi contre le Japon), un ami d’enfance, et Mario Yepes.

Jusqu’où peuvent aller les Cafeteros ?

Le huitième de finale contre l’Uruguay ne sera pas facile. Ce sera une vraie opposition de styles, entre des Uruguayens rugueux qui vont chercher à jouer en contre et des Colombiens qui aiment le ballon. Chez nous, la manière compte presque autant que le résultat. On ne sacrifie pas le spectacle que doit être le football pour gagner, même lors d’un match à enjeu. Après, tout est possible. Je serai très content d’un carré final avec le Brésil et l’Argentine, qui vont monter en puissance, l’Allemagne, l’équipe européenne qui a le meilleur banc, et la Colombie.

Trois équipes sud-américaines sur quatre !

Oui. Comme je l’ai expliqué, ce ne serait pas étonnant. Par ailleurs, je pense que les équipes européennes ont sous estimé le facteur climatique. La chaleur, l’humidité. Les Sud-Américains sont habitués à venir jouer en Europe, mais pas l’inverse. Et puis, il y a la pression, qui est très différente au Brésil que lors d’un grand tournoi en Europe.

Pourquoi cela ?

Ici, pour moi, c’est comme si le Mondial n’existait pas. Il y a quelques drapeaux, voilà. Lors de l’Euro en Suisse et en Autriche, on avait créé des espaces réservés pour fêter le football. Allez en Amérique du Sud maintenant : c’est la folie ! Le Mondial est partout, tout le monde ne parle que de ça. Sur place, les joueurs le ressentent et il faut pouvoir le gérer.

Vous, l’ancien n° 10 qui placez le beau jeu au-dessus de tout, appréciez-vous ce Mondial très offensif ?

C’est clair. Avant d’être un fan de la Colombie, du Barça ou du FC Grandson, je suis un fan de football. C’est un joli sport et c’est cela qui doit primer sur tout le reste. Quant au but, eh bien, c’est le climax du football ! A ce sujet, j’aime bien citer Maradona : «Arriver dans la surface de réparation et ne pas tirer, c’est comme aller en discothèque pour danser avec ta soeur.» C’est pas mal, non ?

Lionel Pittet