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L’âme du Johny tire sa révérence

19 mai 2015

Yverdon-les-Bains – Figure de la Cité thermale, ancienne foraine et présidente des Brandons, Claudine Dumoulin remet son bar, qu’elle a tenu pendant douze ans.

Cette semaine, Claudine Dumoulin, ici avec sa fille Célia, servira ses derniers cafés. En quittant Yverdon-les-Bains, elle remettra également la présidence des Brandons. © Michel Duperrex

Cette semaine, Claudine Dumoulin, ici avec sa fille Célia, servira ses derniers cafés. En quittant Yverdon-les-Bains, elle remettra également la présidence des Brandons.

«C’était bien, c’était chouette… À sa façon de nous app’ler ses gosses, on voyait bien qu’ell’ nous aimait beaucoup…» Ils seront sans doute nombreux, vendredi soir, au Johny Bar, à fredonner la fameuse chanson «Chez Laurette» de Michel Delpech. Mais, cette fois, pour «Claudine», qui remettra, le jour-même, les clés du bistrot de la rue de la Maison-Rouge. Il y aura beaucoup d’émotion, lors de cette soirée d’adieu, et certainement quelques larmes, tant la clientèle de l’établissement yverdonnois forme une véritable famille, dont Claudine Dumoulin tient le rôle central de «maman». «Ici, c’est un bistrot de campagne à la ville», aime à souligner celle qui ne compte plus les soirées terminées à danser sur les tables. «L’important, dans un bar, c’est l’ambiance, souligne la truculente quinquagénaire. Les gens ne sortent pas pour fumer (ils ne peuvent plus) ou pour boire (c’est moins cher chez Denner), mais pour rencontrer des gens.»

Pour la tenancière, ce n’est pas une page qui se tourne, mais un livre entier qui se referme… «Et un gros dictionnaire», précise Claudine Dumoulin. Surtout que la décision n’a pas été facile à prendre. Agée de 57 ans, elle aurait volontiers servi encore quelques générations de gymnasiens, dont le Johny était le stamm depuis toujours. «Je n’en ai plus la force», regrette celle qui se bat depuis plusieurs années contre un cancer. Alors en début d’année, elle a pris la décision de remettre: «Quand l’âme du lieu n’est plus derrière le bar, cela ne va plus». Dès samedi, le repreneur du Johny, Rasiah Jeyapalan, fermera les portes de l’établissement pour quelques travaux, avant de rouvrir pour la fin du mois.

Valaisanne d’origine, née à Lausanne, Claudine Dumoulin fut foraine dans une précédente vie. «C’est ce qui m’a endurcie et m’a permis d’avoir assez de répondant pour tenir un bistrot.» Elle n’a, ainsi, jamais hésité à s’interposer dans une bagarre -«cela ne sert à rien d’attendre la police, elle arrive toujours quand tout est fini»- ou à envoyer une chope de bière à la figure d’un client trop grossier. Le destin l’a conduite à Yverdon-les-Bains, à s’installer dans le pré derrière le garage Toyota de la chaussée de Treycovagnes. «A l’époque, c’était le seul endroit en Suisse romande, avec Versoix, où l’on pouvait vivre à l’année en caravane, et il faut être Genevois pour vivre à Versoix.» Elle gagne alors sa vie en alignant les extras dans des bistrots de la place, dont le Johny. «Ce fut le coup de foudre», assure-t-elle. L’année suivante, elle reprendra le bar et habitera à l’étage.

Le départ de Claudine Dumoulin laissera un vide à Yverdon-les- Bains. Et pas seulement au Johny. Passionnée de hockey sur glace, elle a présidé la section nord-vaudoise du fans’club du LHC et évoque toujours avec nostalgie les fondues préparées à même les grad i n s de la patinoire de Montchoisi. Surtout, elle préside depuis cinq ans les Brandons d’Yverdon. Un mandat qu’elle remettra également, à Hervé Deschenaux, «sans regret»: «L’équipe est prête. Et j’ai pu réaliser ce que je voulais.» Elle s’est, notamment, battue pour faire revenir la cantine de la manifestation sur la place d’Armes.

Une fois le bistrot remis, Claudine Dumoulin va quitter Yverdon-les-Bains, pour aller s’installer à Montagnier, sur la Commune du Châble, se ressourcer «chez elle», dans ce Valais où elle a passé ses plus belles vacances, enfant, chez ses grands-parents. Elle promet qu’elle reviendra dans le Nord vaudois, peut-être comme bénévole pour les Brandons, et pour boire un verre au Johny. Avec les habitués, elle a déjà convenu de s’y réunir une fois chaque année pour des retrouvailles. Et ils seront encore nombreux à fredonner la fin de la chanson de Michel Delpech: «Ce s’ra bien, ce s’ra chouette. Et l’on reparlera, des histoir’s du passé…»

 

Soirée d’adieu, apéro dînatoire, Johny Bar, vendredi, dès 18h.

Yan Pauchard