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«Le quart-monde est à nos portes»
(KEYSTONE/Salvatore Di Nolfi)

«Le quart-monde est à nos portes»

23 février 2022

Céline Ehrwein (Les Vert.e.s) veut créer un lieu d’accueil de jour pour les personnes vivant dans la précarité. Un «besoin réel», selon elle, tant la précarité est présente dans la région.

Céline Ehrwein veut faire bouger les choses et ne s’est pas contentée de le dire: elle a rassemblé plusieurs acteurs de l’action sociale autour d’une idée: créer un lieu d’accueil de jour offrant des prestations d’hygiène, ainsi que des soins médicaux, paramédicaux et dentaires aux personnes vivant dans la précarité sur Yverdon. «Ce sujet me tient particulièrement à cœur, mais l’idée n’est, de loin pas, que la mienne. Elle circule depuis quelques temps déjà parmi les professionnels», a-t-elle exposé lors du dernier Conseil communal, estimant le besoin «avéré». Son postulat a été renvoyé en commission pour étude et l’idée est donc lancée.

«Prendre une douche, laver ses habits, se faire couper les cheveux, soigner ses dents, boire un café, prendre un repas au chaud» sont autant de gestes qui semblent «si faciles, si accessibles, si évidents», mais qui ne le sont pas pour tout le monde, rappelle Céline Ehrwein. La Lucarne accueille les sans-abris la nuit et Zone Bleue est réservé aux personnes souffrant d’addiction.

«Il est temps qu’Yverdon, deuxième ville du canton, se dote d’un lieu d’accueil de jour, similaire à celui du Point d’eau à Lausanne», estime Céline Ehrwein, qui pense qu’une telle structure devrait pouvoir bénéficier d’un important soutien financier du Canton.

Les réactions à ce postulat ont été nombreuses et le sujet discuté par des représentants de tous les partis. «On ne va pas s’opposer frontalement à ce postulat», a déclaré Maximilien Bernhard au nom du groupe PLR. «Mais le filet social yverdonnois est solide et propose déjà un certain nombre de prestations. Il y a peut-être d’autres moyens de compléter ce dispositif», a-t-il déclaré. Pas non, mais pas oui non plus, donc. Le renvoi en commission devrait éclairer ces points.

Roland Villard (UDC) a lui expliqué «soutenir le postulat sur le fond». Il s’agit d’un «devoir moral de prendre en charge les personnes les plus faibles». Toutefois, il se pose «certaines questions» concernant le «nombre important de personnes prises en charge», ainsi qu’au sujet des «ressources nécessaires, des infrastructures et des coûts importants engendrés».

Une délégation du Conseil examinera donc cet objet, avant un nouveau débat en plénum.

 

3000

 

Le nombre de personnes qui bénéficient de l’aide sociale aujourd’hui dans le Jura-Nord vaudois, selon les données récoltées par Céline Ehrwein.

 

«La Lucarne ne peut pas tout faire»

 

Olivier Cruchon, chef du secteur Action sociale chez Caritas Vaud, réagit pour La Région au postulat de Céline Ehrwein.

Quel est votre sentiment premier?

Notre réaction face à ce postulat a été très positive, car cela fait un certain nombre d’année que Caritas Vaud alerte les autorités. Le manque de lieux d’accueil pour les personnes sans-abri ou en situation précaire est un constat que l’on fait depuis longtemps. La Lucarne ne peut pas tout faire dans le Nord-vaudois car nous n’avons pas toutes les compétences, notamment lorsqu’il s’agit de soins dentaires. Nous avons une fois par semaine une permanence de Médecins du Monde qui apporte déjà un bout de réponse mais ce n’est pas suffisant.

Mais est-ce que ce postulat n’est pas un aveu d’échec pour la région?

Le véritable échec de notre part est de devoir exister, car il y a de la précarité dans notre pays. Nous faisons de notre mieux mais nous n’avons pas la prétention de pouvoir tout faire. D’ailleurs, si le postulat est accepté, je ne suis pas pour que Caritas s’en charge, mais pour que la Commune face appel à des fondations qui ont de l’expérience et les compétences dans ce domaine, comme le Point d’eau à Lausanne.

Dans son postulat, Céline Ehrwein explique que la plupart des femmes évitent les endroits comme La Lucarne à cause de la promiscuité avec les hommes, qui sont nombreux. Est-ce que vous faites le même constat?

Oui, 90% des personnes qui viennent sont des hommes mais la problématique n’est pas propre à Caritas. A la Lucarne, il y a des chambres pour les femmes avec une salle de bain personnelle, mais je ne pense pas que ce soit suffisant et nous ne pouvons pas proposer un réfectoire séparé ou même un étage uniquement pour les femmes, car nous avons des contraintes d’infrastructure. Mais je pense que si la commune d’Yverdon accepte le postulat, il serait important de poser la question directement aux femmes concernées pour savoir ce dont elles ont besoin. Il faudrait avoir une approche de coconstruction avec elles.

Rédaction