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L’élection présidentielle américaine vue d’ici et de Californie
Gloria Capt. © Michel Duperrex

L’élection présidentielle américaine vue d’ici et de Californie

4 novembre 2020

Les Américains démentent les sondages préélectoraux: Trump et Biden sont au coude-à-coude. Explications et témoignages de deux régionaux.

«J’ai voté Trump parce qu’il défend le droit à la vie. En Europe, vous avez une vision faussée par des études qui confinent à la manipulation et vous êtes majoritairement pro-démocrates. La réalité d’ici est complètement différente», témoigne René Haarpaintner, un Sainte-Crix établi depuis trente ans en Californie et qui, à la veille de la soixantaine, a décidé, après le décès de son épouse, d’entrer au séminaire. Actuellement, il passe une année probatoire dans une paroisse catholique de Palm Dale, une localité de 150 000 habitants située à une heure de route au nord de Los Angeles.

En effet, mercredi en fin de journée, Donald Trump et Joe Biden étaient toujours au coude-à-coude et personne ne se risquait à désigner un vainqueur. Comment expliquer cette situation alors qu’il y a quelques jours encore, des sondages donnaient une large avance à Joe Biden?

Pro-démocrate, Gloria Capt, dont la maman est Américaine, ne cache pas qu’elle aussi a été surprise: «Je suis très déçue parce que je pariais sur une victoire nette de Biden, même si c’était exagéré de parler de vague bleue.»

L’avocate et municipale yverdonnoise partage avec René Haarpaintner l’analyse selon laquelle la vision que l’Europe a des états-Unis d’Amérique est troublée: «Nous n’avons pas la même culture. L’Américain ne fait pas une analyse du passé et de l’avenir, seul l’immédiat l’intéresse: vais-je retrouver un travail?, pour ne prendre qu’un exemple. Et je pense que par rapport à ce type de préoccupation, Trump est plus rassurant. Il parle avec des mots simples, un peu comme de copain à copain, et dit aux Américains qu’il va faire en sorte de revenir comme il y a une année en arrière, quand tout allait encore bien. Trump a une forte personnalité et il faut reconnaître que, de ce point de vue-là, Biden est un peu falot.»

Le désastre économique engendré par la pandémie est bien réel, comme en témoigne René Haarpaintner: «J’étais il y a quelques jours à Los Angeles. Il y a plein de gens qui dorment dans les rues et sous les ponts. Ils n’ont plus de travail, se font expulser de leurs maisons et n’ont même pas de quoi se nourrir. C’est une honte. Il faut voir ici, à la paroisse, la file de voitures le samedi lorsque les gens viennent chercher des cageots de subsistance que nous préparons avec des bénévoles. Heureusement que les Américains sont généreux dans ce genre de situation.»

Paradoxalement, cette situation semble avoir servi le candidat Trump. C’est du moins la conviction de Gloria Capt. L’avocate a aussi une autre explication plausible, le taux de participation: «Il n’y a jamais eu autant de gens qui ont voté depuis cent ans. Les sondages sont effectués sur la base de socles tenant compte de moyennes des vingt dernières années. Si le socle de départ est faux, tout l’est ensuite.»

Et il n’était pas nécessaire d’établir une statistique sur le taux de participation, explique René Haarpaintner: «La salle de notre paroisse a été aménagée en local de vote. C’était la file continue depuis vendredi dernier.»

Enfin, le vote des Hispaniques est trop souvent attribué au candidat démocrate, ce qui est loin d’être acquis, selon Gloria Capt: «Les Cubains et les Vénézueliens votent à droite. Il ne faut plus leur parler de communisme.» Et d’ajouter un élément qui la scandalise: «Les personnes qui ont un casier judiciaire n’ont pas le droit de voter. Et statistiquement, les noirs sont plus nombreux à en avoir un. C’est incroyable qu’on puisse encore avoir une telle pratique de nos jours!»

Si elle est une démocrate convaincue, Gloria Capt admet que Joe Biden n’était pas le candidat idéal: «J’aurais préféré sa co-listière Kamala Harris ou Pete Buttigieg. Mais l’Amérique n’est pas encore prête à porter une femme ou un gay à la présidence…»

Isidore Raposo