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Mirko Salvi, l’espoir entre ses mains

17 janvier 2014

Football – Gardien de but encore inconnu du grand public, poursuivant son apprentissage dans l’ombre du numéro un Yann Sommer au FC Bâle, le Nord-Vaudois incarne l’avenir du football helvétique. Portrait.

© Champi -a

© Champi -a

17 juillet 1994. Mirko n’a que 5 mois et dort profondément. Sur le petit écran de la famille Salvi, la star de la «Squadra Azzura» Roberto Baggio manque son pénalty en finale du Mondial, offrant le titre au Brésil. Les parents et les deux grandes soeurs sont attristés. Lui, le petit dernier qui préfère les pénaltys ratés, aurait peut-être apprécié. Originaire de Bergamo, la famille vit le foot au quotidien. Mirko grandit dans cet univers, bercé par les exploits de son Milan AC et de son idole Buffon. Quelques années passent, ses camarades d’Onnens jouent tous à Bonvillars. Mais ses parents l’envoient en ville d’Yverdon, «pour éviter qu’il soit aussi turbulent au foot qu’à l’école», confie son père Richard, ancien footballeur amateur. L’oncle Fabian, ex-gardien en ligue nationale, offre à son neveu une paire de gants. Ce dernier les enfile à 6 ans, lorsqu’il débute à l’école de foot. Il les use sur le bitume du parking familial. Et ne les quittera jamais.

De 8h à 22h à l’entraînement

La poignée de main du jeune adulte de 19 ans est ferme et franche. Du haut de son mètre 88, il paraît sûr de lui, sans être arrogant. Mirko Salvi nous a donné rendez-vous devant «son» stade Saint-Jacques. Tout sourire et très à l’aise, il propose qu’on prenne place dans «un restaurant tranquille, où les joueurs ont l’habitude de venir manger après les entraînements». La séance matinale avec les pros ne lui a pas suffi, il en a demandé une spécifique l’après-midi. «Les entraîneurs doivent parfois me calmer, me forcer au repos. J’ai envie de toujours travailler, progresser, repousser mes limites. C’est plus fort que moi», avoue le jeune gardien, qui commande une bouteille d’eau. Carlos Bernegger, son ex-entraîneur chez les espoirs bâlois, celui qui l’a vu devenir un joueur professionnel en juin 2012, le décrit comme «un gros bosseur, capable de rester de 8h à 22h sur le terrain d’entraînement, avec une passion et une volonté incroyables». Cette volonté, il l’a héritée de son père, qui l’a «toujours encouragé à en faire plus que les autres, à ne jamais se contenter de l’acquis». Cette passion, celle qui lui a été transmise tout petit par sa famille, il l’a cultive au quotidien et il en a fait son métier.

A 14 ans, il quitte le cocon familial, vit une année dans une famille d’accueil au centre de préformation de l’ASF à Payerne. Avant de taper dans l’oeil d’un recruteur du FC Bâle lors des finales suisses des M14 disputées avec le Team Vaud à Malley. Soutenu par ses parents, il saisit l’occasion et rejoint «l’usine à champions» que représente l’internat du centre de formation rhénan.

«Cela n’a pas été un choix difficile, je faisais ce dont j’avais toujours rêvé», explique-t-il. S’il était «content de revenir à la maison le vendredi, il l’était tout autant de repartir le dimanche», raconte son père. Sur la table, la bouteille d’eau commandée se vide gentiment. «Je ne bois pas d’alcool, j’ai la chance de ne pas aimer ça, confie-t-il en souriant.

L’hygiène de vie est très importante, je fais bien sûr attention.» Avec une joie de vivre communicative, l’international suisse M20 évoque ses années d’internat, la discipline de vie inculquée, des «sacrifices qui en valent la peine car il faut savoir ce que l’on veut». Mais il avoue aussi la nécessité de revenir chez lui quand il le peut. Et de profiter de la vie avec ses amis. Ses autres passions ? «Je n’arrive pas vraiment à déconnecter du foot, ça prend tellement de place», répond honnêtement l’intéressé, qui «va souvent voir ses potes jouer» quand il retourne dans sa région d’origine. Et les filles ? «Ça prend trop la tête et pour le moment, le foot c’est mon seul amour. Je pense qu’à ça, je n’ai pas le temps pour une copine.» Un peu plus loin dans le restaurant, un bébé crie… «Les enfants c’est pour plus tard, après ma carrière si je réussis… et mon fils ne sera pas obligé d’être gardien», confie dans un éclat de rire le jeune célibataire.

Un caractère un peu fou

Le poste de gardien est ingrat. Il n’y en a qu’un. C’est pourquoi le numéro 3 au FCB doit se contenter des matches avec les espoirs. «J’apprends au quotidien avec d’excellents gardiens et peux avoir du temps de jeu les week-ends, ce qui est primordial pour un jeune. J’ai encore tout à prouver, ça n’est que le début», analyse-t-il sans fausse modestie. Sociable, «ayant horreur d’être seul», selon son père, le portier extraverti est pourtant seul, sur sa ligne de but. «Une fois que Mirko a mis ses gants, il déconnecte complètement. Dans sa bulle, il fait abstraction de tout.» C’est là, devant sa cage, qu’il se sent le mieux : «J’ai un caractère un peu fou, j’aime bien sauter partout. Aux goals, tu plonges, t’es par terre. Ça correspond bien à ma personnalité.»

Mirko a grandi vite, est indépendant, vit déjà seul dans un appartement. «Il a pris de la sûreté, de l’autonomie, appris des langues. Je ne suis pas sûr que j’aurais eu le courage de faire ce qu’il a fait à son âge», avoue son père. Et si son rêve se brisait ? «J’aurais la conscience tranquille car j’aurais tout donné pour réussir. Pourquoi pas commencer un apprentissage… ou plutôt devenir entraîneur des gardiens ?», rigole l’espoir du football suisse. Le foot n’est jamais loin. La bouteille d’eau est terminée et l’entraînement spécifique va débuter. Le soleil rayonne sur la cité rhénane. Une dernière rigolade et il s’en va (re)plonger dans son bonheur journalier.

Sylvain Bolt