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Nouveau sanctuaire pour les tortues

17 avril 2015

Chavornay – Confronté à l’augmentation constante du nombre de ses pensionnaires, le Centre Protection et Récupération des tortues va déménager.

Le «Centre Emys», qui fait référence au nom latin de la cistude, sera un lieu privilégié de découverte des tortues. Photomontage

Le «Centre Emys», qui fait référence au nom latin de la cistude, sera un lieu privilégié de découverte des tortues.

Dix ans et le problème sera réglé. Voilà ce que pensaient Jean-Marc Ducotterd et Jean Garzoni lors de la création du Centre Protection et Récupération des tortues (PRT) de Chavornay, en novembre 1994. Un peu plus de vingt ans plus tard, force est de constater que leurs espoirs de voir la situation de ces reptiles s’améliorer n’ont pas, et de loin, été réalisés.

Pour faire face à l’afflux croissant de ces créatures à sang froid -elles sont environ 1200 à ce jour dans des bassins bondés-, de nouvelles installations vont voir le jour sur un terrain à proximité. Le permis de construire a été obtenu, mais l’aspect financier n’a pas encore été réglé. Devisée à 1,5 million de francs (le coût total du projet s’élève à 2,9 millions de francs), la première étape bénéficie, pour l’heure, d’une manne de 350 000 francs, dont 200 000 versés par l’association. «Nous sommes encore loin du compte. Nous attendons d’avoir trouvé le 80% de la somme pour commencer les travaux, ceci dans le but de ne pas nous mettre en danger», commente Jean-Marc Ducotterd, président de l’association PRT. Quoiqu’il advienne, pas question pour lui d’abandonner le projet. «Le cas échéant, nous arrêterons temporairement de recueillir de nouvelles tortues, le temps de trouver les fonds», déclare-t-il.

Des serres pour la chaleur

Dans sa globalité, le nouveau site couvre une surface constructible de 1200 m2, 800 allant être utilisés pour réaliser les serres destinées à héberger les bêtes à carapace adeptes de chaleur. A cela s’ajouteront 2000 m2 de jardins.

Conçu lors du boom des tortues de Floride, le centre de Chavornay accueille désormais une quarantaine d’espèces. Une nouvelle réalité que le futur quartier général, dont l’un des objectifs est de protéger les tortues asiatiques et rares, devra prendre en compte. Alors que les bassins feront le bonheur des animaux aquatiques, des terrariums raviront leurs homologues habituées à évoluer sur le plancher des vaches. A ces particularités s’ajoutent les variations ayant trait à l’espace nécessaire à l’épanouissement des différentes tortues et le fait que la cohabitation pose problème entre certaines espèces.

Autre élément à ne pas oublier, ces reptiles sont dotés d’une longévité qui a de quoi faire des envieux dans le règne animal. Leur espérance de vie atteint, en effet, selon les espèces, de 30 à 150 ans -la doyenne du sanctaire, la tortue alligator «Brutus», a entre soixante et septante printemps-, d’où la nécessité de se doter d’infrastructures inscrites dans la durée, surtout lorsque l’on sait que seuls 25% des pensionnaires du centre peuvent être replacés.

Détenteurs irresponsables

«Il y a une recrudescence d’abandon de ces animaux. Les gens sont de moins en moins responsables», déplore Jean-Marc Ducotterd. Ouverte chaque samedi matin, la «SPA des tortues» de Chavornay accueille au total 350 hôtes à sang froid par année, soit à peu près un animal par jour. A noter que le record absolu a été enregistré un jour d’août 2014, où 51 de ces créatures ont été recueillies. Le déménagement projeté, qui se traduira par une capacité d’accueil de 4000 à 5000 animaux, permettra d’être mieux armé face à ces arrivées en masse.

«C’est le syndrome de la tortue-jouet. Elles ont un côté sympa. Les gens les achètent sans se renseigner et s’en débarrassent quand ils en ont marre ou que leurs enfants ont grandi», explique le président de l’association. Jean Garzoni, membre fondateur de la structure, relève, quant à lui, la hausse des importations liée à l’ouverture des frontières.

La méconnaissance de leurs détenteurs peut avoir des conséquences néfastes sur les tortues. La jeune biologiste Alia Makli pointe du doigt les animaleries. «Leurs collaborateurs cherchent souvent à vendre, avec la tortue, des installations inadaptées. Les terrariums sont souvent trop petits et les lampes UV ne remplacent pas l’éclairage naturel.»

Des enclos types permettront justement aux amateurs de mieux comprendre quels sont les besoins des tortues. Un parcours didactique est aussi prévu, avec des panneaux explicatifs munis de QR codes renvoyant à un site d’informations.

Le retour de la cistude

Sans équivalent dans le pays, le refuge de Chavornay, qui, il faut peut-être le rappeler, fonctionne sur la base du bénévolat, poursuivra son travail de sensibilisation -plus de 500 élèves le visitent chaque année et une hotline est mise en place du lundi au vendredi- et sa participation active au programme de réintroduction de la cistude d’Europe, la seule espèce de tortue indigène, que l’on peut désormais trouver à l’état sauvage dans les cantons de Genève, Neuchâtel… et sans doute, à terme, dans la Grande-Cariçaie, qui offrira un habitat idéal si des aménagements sont réalisés pour ses nids.

Une exposition lui sera consacrée dans les nouveaux locaux dont le nom de baptême, «Centre Emys», renvoie justement au nom latin de l’espèce.

Ludovic Pillonel