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Un fongicide plombe la récolte viticole

4 septembre 2015

Nord vaudois – Un produit du géant Bayer, dont l’homologation a été suspendue, est suspecté d’avoir un impact sur la production de raisin. Les vignerons régionaux ne sont pas épargnés.

A l’image d’autres producteurs de la région, la Ville d’Yverdon-les-Bains s’attend à des vendanges peu prolifiques. Photomontage

A l’image d’autres producteurs de la région, la Ville d’Yverdon-les-Bains s’attend à des vendanges peu prolifiques.

Après l’attaque inattendue de la mouche suzukii, l’année passée, le milieu viticole est au coeur d’une nouvelle tourmente dont il se serait bien passé. Le coupable présumé? Un nouveau fongicide, homologué fin 2012 par l’Office fédéral de l’agriculture, que le poids lourd de l’agrochimie Bayer a développé pour combattre la pourriture grise de la vigne ou botrytis.

L’arrivée sur le marché de ce produit constitué d’une nouvelle molécule, décrit comme financièrement avantageux et très efficace, a séduit les vignerons, à la recherche d’une diversification des matières actives utilisées pour tromper la résistance des champignons. Les producteurs de la région ne dérogent pas à la règle. Néanmoins, certains indices semblent montrer que des perturbations dans le cycle de la vigne sont imputables au fongicide.

Pour faire simple, les effets principaux sont la déformation des feuilles et une mauvaise floraison, avec, comme corollaire, des grappes partiellement, voire totalement dépouvues de raisin.

Lors des vendanges 2013, des dégâts de ce type étaient constatés sur les surfaces viticoles déjà traitées au «Moon Privilege»- le nom donné au produit de Bayer, mais les conditions météorologiques difficiles avaient brouillé les cartes. Cette année, à l’heure où les vendanges s’annoncent sous de très bons auspices d’un point de vue qualitatif, l’étau s’est resserré sur la firme allemande.

Premiers signes en mai

Un vigneron de l’appellation Côtes de l’Orbe indique, ainsi, avoir constaté les premiers dommages au début du mois de mai dernier, alors que la vigne n’avait fait l’objet d’aucune intervention. Il remarque, par ailleurs, une nette différence entre les «témoins» non soumis à l’action du produit incriminé, où le raisin est «parfait», et les lignes ayant reçu le traitement. En résumé, les cépages où le «Moon Privilege» n’a pas été utilisé sont «magnifiques». Roland Pillonel, le gérant de la cave de l’Association des vignerons broyards, confirme. A Cheyres, seuls les quelques vignerons ayant opté pour le produit ont des problèmes avec leur vigne. Environ 5% du domaine viticole est touché.

Une perte de 90%

Des nuances dans l’impact sur les vignes ressortent toutefois de la concertation entre les vignerons touchés des Côtes de l’Orbe. Des fluctuations ont, par exemple, été observées en fonction de la période d’application -en juillet, les dégâts seraient moindres qu’en août- et le moment de la journée où a été pratiqué le traitement. Les cépages résistent aussi plus ou moins bien à l’influence supposément négative du fongicide. Dans certains cas, il n’y aurait quasi pas de dommages. Un vigneron de Concise déclare, même, qu’en ce qui le concerne, la solution proposée par Bayer a bien fonctionnée l’année passée, son domaine n’ayant pas été victime d’attaques de pourriture ni de mouches suzukii. Le vigneron d’Arnex-sur-Orbe contacté estime, pour sa part, que les vendages à venir sont se solder par la perte de 90% de son chasselas. Son chardonnay et son gamay font aussi grise mine et sa production globale devrait être diminuée d’un tiers.

Le vin d’Yverdon concerné

Sandro Rosselet, le chef du Service des travaux et de l’environnement de la Ville d’Yverdon-les-Bains, indique, quant à lui, qu’une perte estimée entre 40 et 60% est à prévoir lors des vendanges 2015 sur la parcelle de 8500m2 de chasselas et de pinot noir que possède la Cité thermale à Champagne, au lieu dit «Les Polognes».

Du côté de la Cave des viticulteurs de Bonvillars, où est vinifié le moût des vignes yverdonnoises, on estime que l’ensemble de la récolte va diminuer de 15%. L’impact est particulièrement fort sur les galotta, pinot gris et pinot blanc. «Bayer est venu faire une expertise et il y a eu une contre-expertise de la société d’assurance Suisse Grêle. Le dossier est au stade de l’étude pour déterminer le degré de responsabilité du groupe allemand», précise Sylvie Mayland, la directrice de la Cave des viticulteurs de Bonvillars. Le son de cloche est le même chez tous les autres représentants du vignoble régional interrogés. Si, au terme des analyses, la responsabilité de Bayer, dont le fongicide n’est, pour l’heure, plus homologué par l’Office fédéral de l’agriculture est avérée, tous espèrent être indemnisés, afin de ne pas avoir à saisir la justice.

«Cela fait mal au coeur, avec tous les efforts consentis durant l’année, de voir que la récolte ne suivra pas», conclut un vigneron avec amertume.

Ludovic Pillonel