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La saison des champignons aura été courte mais prolifique dans la région

30 octobre 2013

Contrôleur officiel de champignons basé à Sainte-Croix, Raymond Gumy a levé quelques voiles sur la complexité mycologique lors d’une balade en forêt sur les hauts de Cheseaux.

Raymond Gumy ne sort pas en forêt sans son guide.

Le matin est brumeux au-dessus de Villars-Epeney, qu’on observe en contrebas du refuge déterminé comme point de rendez-vous. Déjà sur place, Raymond Gumy a récolté quelques spécimens de champignons en nous attendant. Parmi les espèces qu’il dispose sur le coffre de sa voiture figure notamment une lepista nuda, un comestible violacé rencontré non loin, dont on vérifiera l’orthographe dans le guide de poche qui ne quitte jamais le contrôleur.

Ces lactaires salmonicolor portent assurément bien leur nom.

«L’univers des champignons est très complexe. Il doit y avoir entre 5000 et 6000 espèces en Suisse et c’est déjà pas mal si l’on arrive à en identifier un dixième», indique l’expert. La difficulté liée à la nomenclature en latin, dominante dans le milieu, est encore accrue par l’affinage de la classification rendu possible par l’emploi de matériel d’observation toujours plus sophistiqué.

Cette helvella crispa a été le premier champignon rencontré.

Le soleil semble vouloir percer les nappes de brouillard lorsque nous longeons la lisière de la forêt, de l’autre côté de la route principale. Notre première rencontre mycologique sur le terrain a lieu avec une helvella crispa. «Elle pousse toujours en bord de route. Ce champignon sent un peu le moisi, mais cette odeur part à la cuisson», précise Raymond Gumy.

La forêt est gorgée d’humidité et la température, plutôt douce. Des conditions idéales pour une présence fongique abondante. «La saison est très tardive pour le champignon d’automne, cependant, la quantité est au rendez-vous. Nous avons identifié une centaine d’espèces lors de la dernière sortie annuelle de la Société mycologique du Nord vaudois», déclare le contrôleur sainte-crix.

Un bolet bai émerge fièrement de son tapis de mousse.

Tandis que, pour le commun des mortels, la cueillette prend fin avec l’apparition des premières périodes de gel de longue durée, les spécialistes rencontrent des champignons comestibles toute l’année. «En hiver, on trouve la pleurote en forme d’huître ou la collybia velutipes, qui pousse sur les troncs», précise Raymond Gumy.

Un nombre respectable de spécimens mycologiques peuple le sol de la forêt. Notre chemin croise des lepista inversa, fidèles à leur poste sous des petis sapins. «C’est un bon comestible, mais il est parfois mal toléré. D’une manière générale, lorsque des champignonneurs me demandent des conseils, je leur dis de privilégier la consommation de mélanges d’espèces», affirme le contrôleur.

Le pseudohydnum gelatinosum est consommable cru !

En une année, 30 à 40 personnes le consultent du côté de Sainte-Croix, un chiffre nettement plus important -200 à 300 contrôles- du côté de la Cité thermale. La prudence est de mise, car le danger ne se limite pas à la tristement célèbre amanite phalloïde. Le petit groupe d’inocybe geophylla, qui émerge des feuilles mortes, peut par exemple conduire les amateurs mal éclairés à l’hôpital. La promenade se poursuit. Des pseudohydnum gelatinosum, comestibles même à l’état cru, tricholomes saponaceum, auxquels l’odeur de savon confère une «comestibilité douteuse », des lactaires salmonicolor et un bolet bai se font immortaliser.

Des specimens de gymnopilus penetrans font tronc commun.

Mais où sont les cornes d’abondance, ces champignons noirs poussant en grand nombre sur le sol forestier, qu’un ami de Raymond Gumy a débusqués dans le secteur ? De l’autre côté de la route, le chemin boueux serpente à travers des feuillus. De mauvaise augure. Pas de trace de trompettes de la mort même si, en s’engouffrant plus en avant dans le sousbois, l’endroit semble propice. Des tricholomes terreux seront finalement la dernière congrégation fongique rencontrée avant le retour à la civilisation. Aux abords du parking, Raymond Gumy a encore le regard baissé en quête de champignons. L’apport de ses lumières a permis de dissiper quelques brumes sur le domaine obscur de la mycologie, à l’inverse du soleil, qui n’aura pas réussi à débarrasser Villars-Epeney de ses bancs de brouillard entêtés.

Ludovic Pillonel